Alice, l’héroïne du premier roman de Julie Frontenac, n’a rien de la cuirassée qu’elle finira peut-être par devenir quand elle en aura fini avec les liens tordus qu’elle tente de ne plus entretenir avec ses géniteurs. Ce n’est pas faute d’avoir tenté par divers moyens d’y parvenir, notamment grâce à des séances chez un psy et 5000 km entre eux.
Il est vrai que la jeune femme est issue de parents exhibitionnistes, faisant supposément fi de tous les tabous; enfin, tant que leurs enfants les respectent. Tant qu’ils ne se révoltent pas. Tant qu’ils sont reconnaissants. Tant qu’ils ne disent rien sur leur façon de vivre, alors qu’ils ne sont ni plus moins que des caricatures. D’ailleurs, les caricatures sont légion ici, de l’Adonis aux muscles bien huilés en passant par la Chinoise thérapeute des pieds et le chum qui parle dans une langue approximative que l’auteure se fait un malin plaisir à expliquer avec tous les clichés d’usage, éculés par tous les guides destinés aux Européens, dans un passage qui aurait pu être épargné aux lecteurs.
Cuirassée s’avère un roman plus près d’une série de sketchs humoristiques que du roman psychologique. On rit. Beaucoup. On rit même jaune de temps en temps tant c’est trop. On se demande même si on aura quelque chose de solide à se mettre sous la dent avant la dernière page du livre. Mais ça n’arrive pratiquement jamais. On va d’une scène à l’autre, d’un personnage à l’autre, d’un attachement à un détachement autour d’un personnage qui a le « je » bien pensant et bien parlant.
Julie Frontenac a le sens des images. Elle connaît le poids des mots. Cela ne fait aucun doute. C’est bien pour cela qu’on se plaît à imaginer ce roman sous une autre forme que celle actuelle. Une humoriste aurait plaisir à se glisser dans la peau d’Alice afin de raconter ses péripéties amoureuses, familiales et autres, c’est certain.
Il ne me restera que peu de souvenirs de cette jeune femme dont la vie se déroule entre la France et le Québec, à la manière de sa créatrice qui a vécu à Montréal et qui a obtenu sa double nationalité. Il me restera l’image d’une enfant mal aimée qui restera marquée à jamais par une blessure dont ses parents n’ont pas tenu compte. Me resteront aussi les suites de la fuite d’une adolescente puis d’une jeune femme pour oublier ses démons. Et la dérision pour venir à bout de tout même du pire. Mais je retiendrai surtout que Cuirassée est un assemblage de clichés et de caricatures qui plairont aux uns et agaceront les autres. Les lecteurs ne sont pas tous adeptes des humoristes. Loin de là.
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Titre pour le Défi Premier Roman