Lali

30 novembre 2006

Le Père-Lachaise pour Chopin

Filed under: Ailleurs — Lali @ 21:43

chopin

J’aime ne pas savoir ce que sera demain. J’aime aller là où mes pas me guident, sans tout préparer d’avance,la plupart du temps. Et puis, de temps en temps, je vais au bout d’un rêve.

J’ai grandi avec le culte de Paris. Mon oncle y avait passé trois ans pour ses études et pendant des années je me suis nourrie de son Paris, jusqu’à ce que mes lectures, les films et la correspondance m’incident à ce que je m’approprie moi aussi cette ville un jour. Et combien de fois ai-je parcouru tel ou tel quartier avant d’y mettre les pieds ?

Je savais que je voulais déambuler dans Saint-Germain-des-Prés, voir le Louvre, laisser la ville d’étaler sous mes yeux du haut de la tour Eiffel. Mais surtout, je savais que je voulais aller au cimetière du Père-Lachaise et plus précisément sur la tombe de Chopin. Il me fallait absolument me recueillir et remercier celui qui avait alimenté le côté romantique de ma personnalité des années durant. Et c’était un tel besoin, quelque chose de si fort plus approchait la date où j’allais enfin fouler le sol de la ville rêvée et chérie, qu’il a fallu que ce soit la première chose que je fasse.

Ainsi donc, ce jour de juin 1981, à peine arrivée, le temps de poser les sacs et d’avaler un repas, malgré le décalage dont on m’expliquait les règles, du fait que celui-ci allait tomber sur moi tôt ou tard, surtout que je n’avais pas dormi dans l’avion, je n’avais qu’un seul but. Et quand j’ai manifesté le désir de bouger et d’aller précisément là, au cimetière, en guise de première expédition, je crois qu’Odile et Monique n’ont pas eu d’autre choix que de me suivre.

Et si le cimetière a beaucoup à offrir, lui qui abrite la dernière demeure de beaucoup des artistes de ce monde en plus d’une pléiade de chats qui y ont élu domicile, c’est nantie de mon plan que, sans hésitation aucune, je me suis dirigée vers mon but, rose à la main, comme il se doit, pour la poser là, au milieu des autres.

Le souvenir est encore vif aujourd’hui. Ma passion pour Frédéric Chopin ne s’est pas tarie, même si mes doigts n’ont jamais réussi à maîtriser que quelques pièces. Et les années pourront passer, il y aura toujours cette première fois à Paris et la première chose que j’y ai faite.

Le croissant du jeudi matin

Filed under: Le plaisir des papilles — Lali @ 8:06

croissants1

J’adore les jeudis. Peut-être parce que dans un premier temps, c’est ma dernière journée de travail de la semaine. Mais peut-être aussi parce que c’est le matin où Noël, notre chef à la cafétéria, prépare des croissants. Et la simple perspective d’un croissant qui m’attend et qui va accompagner le café que je prends en arrivant me donne envie de me bouger et ne pas traîner.

Ce petit bonheur tout bête, anodin, illumine chaque jeudi de chaque semaine depuis des mois. Il donne le ton à cette journée du jeudi qui est toujours très occupée, comme si les gens réalisaient que la semaine se termine. Du coup, les courriels tombent à un rythme fou et les demandes de traduction urgentes ou de révision de dernière minute avant impression se succèdent. Une journée épuisante, mais que j’attaque toujours de très bonne humeur. Il suffit que mon croissant m’attende.

29 novembre 2006

À quoi rêve la lectrice ?

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 20:48

athayer

À quoi rêve la lectrice d’Ashley Thayer penchée sur son livre ? Aux rendez-vous manqués ? Aux personnages qui ont croisé sa vie se jouant de ses sentiments ? À ceux qui lui ont menti plus d’une fois ? Aux eaux troubles desquelles elle est sortie parfois perturbée ?

À quoi rêve-t-elle ? Rêve-t-elle vraiment aux blessures dont on ne guérit jamais vraiment tout à fait ou se laisse-t-elle bercer par d’heureux souvenirs qui prennent le pas sur tout le reste ?

Je l’imagine triste, cette lectrice et pourtant sereine. On peut par moments être triste et heureux, l’un n’empêchant pas l’autre. Aux errances et aux quêtes effrénées, elle a choisi l’absence, le creux douillet de ses propres bras pour endormir la douleur, les pages d’un livre comme refuge. Et est là son bonheur, au moins pour ce soir. Demain, il y aura des sourires à nouveau. Elle aura levé l’ancre de l’eau grise où il lui fallait passer quelques heures pour apprécier à nouveau la beauté du monde.

La passion des dictionnaires

Filed under: États d'âme — Lali @ 17:47

dictionnaire

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours aimé les dictionnaires . Au point que sur une île déserte, je crois bien que je choisirais l’un d’entre eux pour me tenir compagnie. Plus qu’un recueil de poèmes que je finirais par réciter par cœur. Plus qu’un roman dont les lectures successives finiraient par me lasser ou ne plus me faire assez d’effet pour que je puisse continuer d’être aussi réceptive.

Oui, loin du monde, isolée, je me verrais bien avec un dictionnaire comme compagnon, si on m’offre le choix d’un livre et non d’un individu. Il me semble que je n’arriverais pas à en faire le tour de sitôt. Qu’il me faudrait des années avant de maîtriser l’orthographe et le sens de tous les mots, l’étymologie de chacun de ceux-ci, et apprendre les proverbes, les dictons, l’Histoire.

Je me souviens en cette minute que pour mes 13 ans j’avais demandé comme cadeau de Noël le Robert 2 alors que mes amies préféraient de loin les disques des chanteurs à la mode ou des vêtements. Et combien d’heures ai-je passé à vouloir tout apprendre, de chaque département français en passant par l’histoire de la littérature. J’avais enfin trouvé une mine de savoir qui n’allait jamais me décevoir. Et encore aujourd’hui, je le consulte toujours toujours, m’y abreuve avec le même plaisir.

Pas étonnant, au fond, que j’aie fini par travailler dans un domaine où je passe mes journées à fouiner dans les dictionnaires et les grammaires. Je me sens si bien auprès d’eux. Je ne leur ai pas encore donné de noms comme l’écrivaine Anne Dandurand le faisait, elle pour qui l’un était un mari, l’autre un amant, un meilleur ami, un amant occasionnel… Mais il est pas interdit qu’un de ces jours je me plie à ce jeu.

28 novembre 2006

La lectrice matinale

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 7:43

schneider

Qu’il est bon ce moment au lit alors que dehors la vie commence à s’ébattre. Les yeux posés sur le livre, comme ça, sans rien qui nous dérange. La lectrice d’Elizabeth Schneider connaît ce bonheur et s’y adonne peut-être chaque matin. Ou alors occasionnellement. Là n’est pas l’important. Il est ailleurs, dans le fait qu’elle connaisse ce plaisir et qu’elle en abuse jusqu’à la dernière goutte, même si cela signifie de courir pour attraper le dernier autobus qui la rendra à l’heure où elle passe ses journées.

Qu’il est bon ce moment sans précipitation, encore sous les couvertures, alors que dehors le vent se lève comme pour la rappeler à l’ordre. Mais elle fait fi de ce qui va trop vite. Les minutes filent et le bonheur est là, à chaque page. Devoir courir se fera bien assez tôt.

27 novembre 2006

Moment de partage… un autre…

Filed under: Trois petites notes de musique — Lali @ 22:00

montalvo

Et je reste dans la musique, elle qui ne m’a jamais blessée, elle qui a été de tous les jours de ma vie au même titre que les livres. Et je me laisse bercer par toutes celles qu’on m’envoie. Et le bonheur, ce sont autant des notes tirées d’un violoncelle que des mots qui riment, autant une harpe celtique que des phrases qui nous tirent des larmes ou un sourire. Et sans ces musique sans paroles, ces paroles sur des musiques, je ne sais pas vivre. Il me faut ma dose quotidienne.

Et ce soir, c’est le cadeau de Denis que j’écoute en boucle, « La cancion de los amantes » de la chilienne Mariana Montalvo. Brel n’a rien perdu dans cette magnifique interprétation dont je ne me lasse pas. Celle-ci soutenue par un orchestre de cordes plein de nuances et de douceur.

Il y a des moments comme ça, des moments de partage qui durent et durent puisque les musiques sont quelque part, prêtes à être écoutées et à nouveau partagées. Et le bonheur que ces moments existent.

Du piano pour rêver

Filed under: Trois petites notes de musique — Lali @ 16:25

strickland

L’après-midi va bientôt se terminer. Je vois par la fenêtre du bureau le ciel s’assombrir.

Je fais une petite pause de la brochure dont je suis à réviser la traduction pour écouter le piano de Robert Strickland. Les notes fusent de partout, on dirait du cristal. Et je me laisse emporter par la valse des doigts du pianiste sur les touches. Ravissement.

Je suis séduite par « Daybreak on the Desert » ou « Sunset on Santa Fe », comme toujours.
Et me voilà au soleil en plein été quelque part au sud.

Il suffit de si peu pour rêver. De si peu. Quelques contes (tales) et le jour est joué.

Chaque jour comme un voyage

Filed under: États d'âme — Lali @ 7:05

lierre

Le voyage est un retour vers l’essentiel.
[ Proverbe tibétain ]

Et chaque journée qui débute n’est autre chose que ça: un voyage. Avec un semblant d’itinéraire, quelques repères précis, voire des haltes obligatoires, mais un voyage tout de même. Parce qu’on ne peut connaître à l’avance ce qui prendra forme à mesure que la journée avancera. Parce qu’on ne peut imaginer le nombre se sourires sur la route. Parce qu’on ne peut présumer de rien de ce qui interviendra et bousculera notre esprit.

Et tous ces petits détails, ces mots d’amitié (un clavardage du cœur avec Jean-Marc, la voix d’Armando sur Skype, celle de Ric au téléphone) qui ont fait mes bonheurs d’hier entre deux rêveries ont fait que la nuit venue je suis retournée à l’essentiel. À ma bulle. Celle où je souris, la tête sur l’oreiller en pensant à tous ces moments heureux, aux sourires qu’ils ont dessinés sur mon visage. Et la vie est juste douce, simple. Et je puis dormir tranquille.

Je ne m’acharne plus à chercher ce qui ne va pas ni à creuser les blessures ou les déceptions du jour, la vie est bien trop courte pour cela. Je préfère de loin un souvenir heureux, une musique qui m’a fait vibrer, quelques pages d’un livre et les mots de ceux que j’aime. Là est mon essentiel: les moments heureux de la journée qui s’achève.

Et en cette heure où le soleil n’arrive pas à percer les nuages, où je me prépare tranquillement à partir travailler, je pense à tous ces bonheurs qui viendront égayer ma journée. Je ne sais comment ils se présenteront. Je ne sais que ce que j’en ferai. Je les rangerai bien au chaud dans mon sac de voyage pour les sortir ce soir comme on découvre un trésor.

26 novembre 2006

Quand la grande dame s’est éteinte

Filed under: À livres ouverts — Lali @ 23:07

annehebert

C’est le poète Bruno Roy qui m’a annoncé le décès de la grande dame de la littérature Anne Hébert, en 2000. Il venait souper à la maison et il avait appris la nouvelle dans la voiture. Il était encore bouleversé, lui qui l’avait côtoyée à quelques reprises.

De mon côté, j’avais pour tout souvenir autre que ses romans et ses poèmes qui avaient jalonné ma vie depuis l’adolescence le visage de cette femme si belle, même à 80 ans, qui m’avait embrassée à un de ses lancements et qui avait eu la gentillesse de me dire que si elle avait mieux supporté les éclairages, elle aurait aimé m’accorder une entrevue pour la télévision, car elle avait vu à quelques reprises à quel point je respectais les écrivains et leur travail. Avant même que l’idée puisse me traverser l’esprit. J’aurais probablement été trop timide pour en faire la requête. La grande dame m’a impressionnée non pas parce qu’elle était Anne Hébert, l’auteur de Kamouraska, ou promise au Nobel de littérature qu’elle n’a jamais eu, mais par son naturel, sa simplicité, son empathie visible alors qu’on disait d’elle qu’elle n’aimait pas les foules ni les flaflas, et encore davantage qu’elle était inaccessible.

Et pourtant, elle ne l’était pas. Pas ce soir-là. Pas cette minute où elle a croisé mon regard alors que je n’osais m’approcher et qu’elle a fait signe à son attachée de presse de nous présenter. Ni les minutes qui ont suivi et qui ont illuminé ma vie. Celle qu’on disait sauvage n’était que timide. Et c’est peut-être ce qu’elle a reconnu d’elle en moi dans mes entrevues télé, la timidité et le respect pour la vie intime des gens à laquelle je ne faisais jamais allusion – à l’heure où la mode était de demander à tutti quanti de l’étaler en faisant des écrivains des bêtes de cirque alors qu’ils sont habités par une solitude pleine et riche qui les nourrit. Ou autre chose que je ne saurai jamais. Peu importe. Ce fut un moment magique, un moment de partage entre une jeune femme qui avait une passion pour les écrivains et leur travail et une grande dame qui avait inspiré plus d’un parmi ceux qu’elle avait eus en entrevue.

Et quand Bruno a annoncé la nouvelle, j’ai dû devenir aussi blanche que la craie. Il m’a serrée contre lui, m’a demandé d’aller chercher ses poèmes. L’un après l’autre, nous avons lu à haute voix quelques lignes de la grande dame de la littérature. Et fait silence. Ça reste un moment marquant que deux poètes se recueillent aisnsi à la mémoire de celle qui les avait inspirés plus d’une fois dans leur vie.

Et de tous les poèmes qu’elle a écrits, c’est toujours à celui-ci que je reviens. Celui qui avait troublé mes 15 ans, celui qui avait inspiré une série de dessins au peintre Jean McEwen, celui que j’ai lu ce soir-là.

Il y a certainement quelqu’un

Il y a certainement quelqu’un
Qui m’a tuée
Puis s’en est allé
Sur la pointe des pieds
Sans rompre sa danse parfaite.

A oublier de me coucher
M’a laissée debout
Toute liée
Sur le chemin
Le cœur dans son coffret ancien
Les prunelles pareilles
À leur plus pure image d’eau

A oublié d’effacer la beauté du monde
Autour de moi
A oublié de fermer mes yeux avides
Et permis leur passion perdue

La lectrice au bouquet

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 22:58

ledent

Peut-être a-t-elle aimé rêver toute la journée durant, la lectrice au bouquet de Pol Ledent. Comme moi je l’ai fait parce qu’un papillon est entré hier dans mon jardin, un papillon aux couleurs si vives qu’elles pourraient brûler les yeux.

Pourtant, je sais qu’il vaut mieux laisser filer les papillons plutôt que de les voir se poser. Je sais aussi que s’il leur faut absoument se reposer de leur vol, qu’ils ne doivent pas s’attarder sur mon épaule, car c’est là un jeu bien dangereux. Je pourrais vouloir les examiner de plus près.

Oui, elle rêve sûrement au papillon qu’elle a croisé et qui l’a éblouie. Si bien éblouie qu’elle aurait pu en perdre la vue.

Une dernière voltige et le voilà envolé pour de bon. Elle peut retourner à son monde, à ses livres, à ses mots et à ses amis. Paisible. Le danger est passé.

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