Le Père-Lachaise pour Chopin
J’aime ne pas savoir ce que sera demain. J’aime aller là où mes pas me guident, sans tout préparer d’avance,la plupart du temps. Et puis, de temps en temps, je vais au bout d’un rêve.
J’ai grandi avec le culte de Paris. Mon oncle y avait passé trois ans pour ses études et pendant des années je me suis nourrie de son Paris, jusqu’à ce que mes lectures, les films et la correspondance m’incident à ce que je m’approprie moi aussi cette ville un jour. Et combien de fois ai-je parcouru tel ou tel quartier avant d’y mettre les pieds ?
Je savais que je voulais déambuler dans Saint-Germain-des-Prés, voir le Louvre, laisser la ville d’étaler sous mes yeux du haut de la tour Eiffel. Mais surtout, je savais que je voulais aller au cimetière du Père-Lachaise et plus précisément sur la tombe de Chopin. Il me fallait absolument me recueillir et remercier celui qui avait alimenté le côté romantique de ma personnalité des années durant. Et c’était un tel besoin, quelque chose de si fort plus approchait la date où j’allais enfin fouler le sol de la ville rêvée et chérie, qu’il a fallu que ce soit la première chose que je fasse.
Ainsi donc, ce jour de juin 1981, à peine arrivée, le temps de poser les sacs et d’avaler un repas, malgré le décalage dont on m’expliquait les règles, du fait que celui-ci allait tomber sur moi tôt ou tard, surtout que je n’avais pas dormi dans l’avion, je n’avais qu’un seul but. Et quand j’ai manifesté le désir de bouger et d’aller précisément là, au cimetière, en guise de première expédition, je crois qu’Odile et Monique n’ont pas eu d’autre choix que de me suivre.
Et si le cimetière a beaucoup à offrir, lui qui abrite la dernière demeure de beaucoup des artistes de ce monde en plus d’une pléiade de chats qui y ont élu domicile, c’est nantie de mon plan que, sans hésitation aucune, je me suis dirigée vers mon but, rose à la main, comme il se doit, pour la poser là, au milieu des autres.
Le souvenir est encore vif aujourd’hui. Ma passion pour Frédéric Chopin ne s’est pas tarie, même si mes doigts n’ont jamais réussi à maîtriser que quelques pièces. Et les années pourront passer, il y aura toujours cette première fois à Paris et la première chose que j’y ai faite.