Et ce soir mon cœur est à Saint-Malo, souvenir d’une escale après l’Angleterre, été 1988. Je ne savais pas le souvenir si vif et pourtant, je me revois la tête appuyée sur mon sac à dos sur le banc de bois du bateau qui faisait la traversée, tentant tant bien que mal de grapiller çà et là quelques minutes de sommeil. Mais je crois ne pas avoir dormi, excitée de traverser la Manche, heureuse de partir à la découverte de Saint-Malo et encore davantage de revoir Chantal.
Et si je pense ce soir à Saint-Malo, c’est peut-être parce que j’ai eu un courriel de Chantal il y a quelques jours et qu’il y a si longtemps sans nouvelles que je ne sais pas par quoi commencer en lui répondant. Nous avons tant partagé des années durant, nous écrivant tous les jours, comme je le fais maintenant ici. Sans réserve et sans pudeur, avec nos coups de cœur et nos constats.
Chantal, c’est mon vent frais de Bretagne, mon amie poète. Et pourtant je la connais si bien que je sais qu’elle ne m’en voudra pas pour mes silences et ma longue absence. Et pourtant, je sais qu’elle sera juste heureuse de renouer et qu’il n’y aura pas de reproches. Et cette assurance me donne envie de lui écrire longuement, de lui rappeler Saint-Malo, et puis la crêperie de Vannes, et Damgan, et le château de Josselin, et la Chapelle des Lombards où nous sommes allées danser à Paris, et ses vacances montréalaises, la visite de Québec avec la panne d’autobus au retour, et les poèmes, et l’écriture…
Finalement, je trouverai les mots. Peut-être lui rappellerai-je le pull bleu que j’avais tricoté et qu’elle a cousu, et que je porte encore ? Il a le bleu de l’eau de Saint-Malo. Il a le bleu du ciel de Vannes un jour de juin. Il a le bleu d’une pièce de faïence rapporté de là-bas.
Oui, je trouverai les mots, je le sens.