Le laboratoire 2
J’ai retrouvé Quimper où sont nés mes quinze premiers ans
Et je n’ai pas retrouvé mes larmes.
Jadis quand j’approchais les faubourgs blancs
Je pleurais jusqu’à me voiler les arbres.
Cette fois tout est laid, l’arbre est maigre et nain vert
Je viens en étranger parmi des pierres
Mes amis de Paris que j’aime, à qui je dois
D’avoir su faire des livres gâtent les bois
En entraînant ailleurs loin des pins maigres ma pensée
Heureuse et triste aussi d’être entraînée
Plutôt je suis de marbre et rien ne rentre. C’est l’amour
De l’art qui m’a fait moi-même si lourd
Que je ne pleure plus quand je traverse mon pays
Je suis un inconnu, j’ai peur d’être haï
Ces gens nouveaux qui m’ignorent, je crois qu’ils me haïssent
Et je n’ai plus d’amour pour eux, c’est un supplice.
Max Jacob, Le laboratoire central
*choix de la lectrice de Connie Chadwell