Les mots de Lisa 6
La lectrice de Patty Maly s’est recroquevillée sur elle-même, a emprisonné le livre entre ses bras. Comme si elle avait peur que les mots ne s’envolent. Et elle est sortie sur la pointe des pieds. Elle avait glissé un signet dans le recueil de Lisa Carducci intitulé La dernière fois. Il me restait juste à transcrire ces vers :
Ironie
Tu es venu me prendre
sans forcer ma porte
pour toi laissée ouverte
Tu m’as habillée d’or
coiffée de perles
à mes doigts tu as glissé des bagues
Tu m’as nourrie de soleil
baignée dans le miel
de ta bouche coulait le vin
Tu as couvert de joie mon âme
réveillé le cœur de ma chair
le bonheur avait de nouveau un nom
Tu m’as donné un ami
tu m’as donné un frère
qui était le tien
PUIS
un jour plus rien
dans le désordre le plus
total tu m’as condamnée
N’avais-je été qu’un jeu
n’avais-tu été qu’un fantôme
tu m’as tout enlevé
Ta voix tes mains ton rire
tes lettres tes images ta musique
et même notre frère
Sans dormir ni rêver
oubliant de survivre
je languis dans ce trou d’ennui
Eh! bien, non! Assez de goutte à goutte!
je refuse de boire la ciguë
je refuse d’avaler la mort
À travers les barreaux le soleil
à travers les barreaux la nuit blesse
je vais crier ma vie
Et tous les hommes de la terre
et toutes les femmes de l’univers
sauront l’amour par toi trahi
Les étoiles riront pour moi
le ciel me rappellera tes yeux
dans ma prison dont tu gardes la clef
Mon cachot est solide
mais point opaque ni aveugle
viendras-tu t’enfermer avec moi
Monstre cruel de connivence
avec tous les diables des ténèbres
samouraï de peu de foi
Tu veux ta perte pour ma sauvegarde
tu veux ma ruine pour ta délivrance
tu veux punir le bonheur
Donne-moi de l’encre et du papier
puis va-t-en je n’ai besoin de rien
et n’oublie pas d’éteindre la lumière
Les naufrages les plus lents
sont les plus désespérés
Viens, combattons
Tirons l’épée
Au plus fort la vie
Et qu’on en finisse!