Les vers de Stuart 5
Ô narcisses et chrysanthèmes
Ô narcisses et chrysanthèmes
De ce crépuscule d’automne
Où nos voix reprenaient les thèmes
Tant tristes du vent monotone!
Des enfants dansaient sur la route
Qui mène vers la lande noire
Où hurla jadis la déroute,
Sous la lune, des rois sans gloire.
Nous chantions des chants des vieux âges
En allant tous deux vers la ville,
Toi si grave avec tes yeux sages
Et moi dont l’âme fut si vile.
Le jour tombait au son des cloches
Dans l’eau lente de la rivière
Qui charriait vers des mers proches
La flotte à la noire bannière.
Nous fûmes trop fous pour comprendre
Les présages du crépuscule :
Voici l’ombre où l’on croit entendre
Les sanglots d’un dieu qui recule.
La flotte a fui vers d’autres astres,
Les enfants sont morts sur la route,
Et les fleurs, au vent des désastres,
Ne sont qu’un souvenir de doute.
Sais-tu le chemin de la ville,
Toi si grave avec tes yeux sages?
Ah ! mon âme qui fut trop vile
A peur des chansons des vieux âges!
Stuart Merrill, Poèmes 1887-1897
*choix de la lectrice de François Martin-Kavel