Les vers d’Eugène 3
Tu regardes les haies
Couver leur plein
De secret.
En elles
C’est sans doute
Comme en toi :
Toujours
Le combat de l’ombre
Et de la lumière.
Eugène Guillevic, Présent
*choix de la lectrice d’Ernst Wille
Tu regardes les haies
Couver leur plein
De secret.
En elles
C’est sans doute
Comme en toi :
Toujours
Le combat de l’ombre
Et de la lumière.
Eugène Guillevic, Présent
*choix de la lectrice d’Ernst Wille
en réponse à un poème d’Olivier
Pour parcourir tes mondes
Juste mes doigts et mes lèvres
Et puis mes mots peut-être
Pour l’infinité d’un poème
Sur nos peaux
(juin 2011)
*toile de Françoise Dupuy
J’ai tellement aimé 84, Charing Cross Road que quand a paru La duchesse de Bloomsbury Street en 2004, je n’ai pas voulu le lire. J’avais peur d’être déçue, que ça ait le goût du réchauffé.
Or, j’ai été séduite par La duchesse de Bloomsbury Street, le nom que se donne Helene Hanff dès son arrivée à Londres ou presque alors qu’elle est sous le charme du quartier dans lequel se trouve son hôtel, à deux portes de Russell Square. Et avec raison! Le parc est magnifique, le quartier tout autant. Il a d’ailleurs abrité le peintre Thomas Lawrence et les éditions Faber & Faber à l’époque où T. S. Eliot y était éditeur de poésie. Et c’est aussi dans ce quartier que se trouve le British Museum où quiconque y entre ne veut plus en sortir! (D’accord, je le concède, j’exagère. Mais un peu, juste un peu.)
Bref, nous voilà à Londres, à deux pas de Russell Square, en 1971, alors qu’Helene Hanff, passionnée de littérature anglaise, rêvant de voir Londres depuis de nombreuses années, peut enfin se permettre traversée et séjour grâce aux droits d’auteur de 84, Charing Cross Ross Road. Une Helene Hanff qui n’a rien perdu de sa verve ni de ses sautes d’humeur ou de la révolte qui sourd en elle, et qui note tout dans un carnet qui nous est donné à lire. Autant ce qui la frappe chez les Anglais que son coup de foudre pour certains lieux. Autant son étonnement face à la notoriété qu’elle a à Londres que celui devant la gentillesse et la disponibilité des gens.
Vous l’aurez compris, j’ai beaucoup aimé La duchesse de Bloomsbury Street. Parce qu’Helene Hanff n’a pas changé. Parce que c’est Londres. Parce que c’est aussi ce quartier où était mon hôtel en 1988. Parce que les anecdotes sont savoureuses. Parce que chacune page vous fait sourire. En faut-il plus pour vous convaincre?
Parfois, je souffre d’une fort étrange sensation de détachement de moi-même et du monde qui m’entoure. Il me semble observer tout cela de l’extérieur, de quelque endroit inconcevablement éloigné, hors du temps, hors de l’espace, hors de la vie et de la tragédie de toutes choses. (H. G. Wells)
*toile de William Ablett
La nuit est un fauve
Sans corps
Que l’on puisse blesser
Autrement
Que par nos pauvres lumières.
Eugène Guillevic, Présent
*choix de la lectrice d’Anton Vorauer
Un roman inspiré par un tableau, c’est ce que propose Gaëlle Josse avec Les heures silencieuses, dont l’action se situe à Delft en 1667 et met en scène Magdalena qu’Emmanuel De Witte a peinte de dos, alors qu’elle caresse les touches de son épinette. Une toile que je connais, car elle fait partie de la collection permanente du Musée des Beaux-Arts de Montréal.
Pour celle qui, depuis nombre d’années, raconte des histoires imaginées à partir de toiles et qui a même créé un espace pour que d’autres puissent le faire à même ses pages, ce roman était tout désigné. C’est donc avec un immense plaisir que je me suis plongée dans le journal intime de Magdalena, fille et épouse de navigateurs devenus gestionnaires de la Compagnie néerlandaise des Indes occidentales qui possède à cette époque une flotte aussi impressionnante que celles des Portugais, des Espagnols et des Anglais.
Magdalena, qui n’a pas encore quarante ans, dont le corps et le cœur sont toujours bien vivants malgré plusieurs grossesses et une fausse couche récente qui a bien failli lui coûter la vie, en est à l’heure des bilans. Au fil du mois que durera cette enquête sur elle-même, où il sera autant question de sa jeunesse où elle a montré un tel talent pour les affaires que son père en fit quelque sorte son adjointe en regrettant qu’elle ne fut pas un garçon jusqu’à son amour pour ses enfants, elle nous raconte aussi le coup de foudre qu’elle eut pour celui qui devint son mari, sa passion pour la musique et la raison pour laquelle elle a choisi de ne pas montrer son visage à l’artiste qui la peignait.
Autant Emmanuel De Witte a fait preuve de finesse et a soigné les détails, autant Gaëlle Josse a eu elle aussi cette délicatesse, juste ce qu’il faut de pudeur et le bon dosage d’éléments pour nous transporter à l’époque de Vermeer dans ce Delft où celui-ci a vécu toute sa vie, tout comme Emmanuel De Witte brièvement.
J’ai été, il va sans dire, sous le charme de ce tableau auquel Gaëlle Josse a donné vie. Tant et si bien que je ne peux que vous conseiller Les heures silencieuses, un roman qui constitue une belle entrée en la matière pour celle qu’on connaissait comme poète.