L’uniformité
Elles ressemblent à celles que j’ai croisées dans l’autobus. Les jupes étaient aussi à carreaux, les chemisiers blancs. Elles parlaient fort, de l’une, de l’autre, du prof de maths, du devoir de français. Je les écoutais. Je m’enfonçais dans mes souvenirs.
Ce n’était pas le même autobus. Je n’avais de commun avec elles que le chemisier blanc, la jupe étant grise et la marinière bourgogne.
Il me semble que je ne parlais déjà beaucoup, mais que les autres autour de moi ressemblaient aux étudiantes de Slava Groshev. Dans leurs gestes, leur façon de s’affirmer, leur assurance. Tout ce que je n’étais pas en mesure de sortir de moi à cette époque, si bien que je restais là à les écouter parler. Je pensais au livre que j’allais lire quand j’en aurais fini avec le devoir de chimie. Et je ne pensais sans doute pas à mes cheveux, comme elles, et encore moins à un voisin qui m’aurait regardé d’un drôle d’œil. Ni à ce à ce qu’il y avait à la télé ou au dernier chanteur à la mode.
Je les écoutais, étourdie. Je les regardais. Elles étaient toutes pareilles, elles avaient toutes les mêmes rêves ou en donnaient l’impression. L’uniforme avait servi à les rendre uniformes. Et moi je me taisais.