Des poèmes qui ont cinquante ans 1
C’est la lectrice peinte par l’artiste canadien Robert Harris qui tournera la première les pages de Langage de Michel Garneau, réunissant des poèmes écrits entre 1956 et 1962, que j’ai tiré de mes rayons. Et tous les souvenirs qui venaient avec. La rencontre avec le poète un soir de fête chez Victor-Lévy Beaulieu, alors qu’il avait apporté sa flûte traversière pour accompagner Gaston Miron harmoniciste ce soir-là tandis qu’un autre s’installait au piano et qu’Yves Thériault tapait du pied. La jeune étudiante en lettres que j’étais alors n’en revenait pas de voir réunis en toute simplicité autant de monuments de la littérature. Un souvenir qui ne s’oublie pas et qui a conservé toutes ses couleurs, sa musique, sa chaleur.
Et tandis que je rêvais à cette soirée du début des années 80, la lectrice a quitté la pièce sans faire de bruit en laissant le recueil ouvert sur ces mots :
comme un arbre
s’ébroue d’une rumeur de printemps
parce que ses racines remontent dans la rivière
et qu’il n’a pas les branches creuses
mais pleines de fruits d’ombre
comme un sein qu’on trouve
comme on sauve un nid d’oiseaux
quand mon premier amour m’habille
les poignets de deuils d’hirondelles
l’été me monte au corps et danse