Depuis longtemps déjà 5
La lectrice du peintre anversois Henri De Braekeleer s’est assise là où les lectrices d’autres soirs se sont assises. Et elle a ouvert comme les précédentes le recueil de Marie Normand intitulé Depuis longtemps déjà. Puis son regard s’est posé sur ce poème et elle a cessé de tourner les pages. Elle venait de trouver les mots qui lui manquaient.
Mon nom
Mon nom prononcé par toi
prenait des sonorités
de harpes éoliennes
dans le murmure des confidences
ou l’élan de la passion
On aurait pu le rimer
assonance possible
avec les mots je t’aime
dont tu m’inondas,
pluie de pétales blanches,
tout le temps que dura notre amour.
Lorsque tu l’écrivais
mon nom éclairait sur la feuille
telle une étincelle de feu
L’intonation mélodieuse
de ta voix câline et douce
me réconcilia avec ce prénom
jusque là assez banal
Tu savais arrondir les voyelles
adoucir les consonnes
dans un harmonieux accord
d’une singulière beauté
Un vol de libellules
dans un rai de soleil
Depuis longtemps je ne t’entends plus
surdité fille de ton mutisme
Surdité intermittente car parfois
les mots « mon petit », très sotto voce,
parviennent encore jusqu’à mon cœur.
Dans le monde du souvenir
fermé à toute intrusion
je garde l’écho très lointain
de ta voix modulant tendrement
mon nom