comme des taches
des idées
comme des taches
insignifiantes du désir
d’être là
à posséder le papier
sur lequel elles s’inscrivent
comme nuances permanentes
d’états d’âme itinérants
(juillet 1982)
*toile de Ghislaine Buisson
des idées
comme des taches
insignifiantes du désir
d’être là
à posséder le papier
sur lequel elles s’inscrivent
comme nuances permanentes
d’états d’âme itinérants
(juillet 1982)
*toile de Ghislaine Buisson
Pantin à la vie désartIculée, vidé de lui, vidé de la sève qui le faisait écrire, le lecteur de Jerry Ross Barrish s’est peut-être arrêté pour toujours à l’automne de sa vie sur les phrases d’Octavio Paz (tirées de Liberté sur parole) qui ne parlent que de lui en même temps qu’ils racontent les jours du poète en mal de mots :
Je commence et recommence. Mais je n’avance pas. Chaque fois qu’elle atteint les lettres fatales, la plume recule : un interdit implacable me ferme le chemin. Hier, investi des pleins pouvoirs, j’écrivais sans peine, sur la première feuille disponible : un fragment de ciel, un mur (impavide devant le soleil et mes yeux), un pré, un autre corps. Tout me servait : l’écriture du vent, celle des oiseaux, l’eau, la pierre. Adolescence, terre labourée par une idée fixe, corps tatoué d’images, cicatrices resplendissantes. L’automne menait paître de grands fleuves, accumulait des splendeurs sur les sommets, sculptait des plénitudes dans la vallée de Mexico, phrases immortelles gravées par la lumière dans les roches pures de l’étonnement.
Aujourd’hui, je lutte seul avec une parole. Celle qui m’appartient, celle à laquelle j’appartiens : pile ou face, aigle ou soleil?
Déjà que le lecteur de Jules de Keghel que nous nommerons Édouard ne comprend pas toujours ce qu’il lit, s’il faut en plus qu’il ait les lunettes sales, son cas ne va vraiment pas s’arranger. Mais vraiment pas.
Pourtant, Édouard ne remarque pas toujours que ses lunettes sont sales. C’est quand Martha passe derrière lui et les lui retire du nez qu’il constate les dégâts. Il faut avouer que les remarques désobligeantes de sa femme aident à ce qu’il sorte son mouchoir pour bien frotter ses verres. Je savais pas que les mouches font de si grosses chiures; La lumière t’aveugle pas?; Je savais pas que tu avais des verres teintés; Tu as mis celles qui étaient à la cave?
Et aussi, ajoutons-le, il les frotte aussi quand il se rend compte qu’il est en train de lire lièvre au lieu de lèvre, chaîne au lieu de chaire, ennui au lieu d’envie, et surtout quand il voit noir au lieu de voir.
Il faisait chaud aussi ce jour de juillet alors que je marchais en regardant les fleurs. Chaud comme il fait chaud en juillet seulement. Et quand la vie n’est que couleurs et odeurs.
Il fait si froid ce matin que le givre s’est collé aux vitres des voitures. Si froid – moins cinq degrés – que je suis retournée dans les photos de l’été pour me réchauffer un peu. Il faisait chaud ce 18 août sur Montréal, quand Armando a pris la photo. Et déjà j’ai moins froid.
A-t-elle déjà en elle cette soif d’écrire qui nous vient parfois dès l’enfance et qui ne nous quitte plus? A-t-elle déjà cette passion des mots qui finiront par l’isoler parce qu’il en est toujours ainsi quand écrire dans les marges des cahiers d’écolier est vital et que l’on s’exclut soi-même avant que les autres ne le fassent? Sent-elle déjà en elle le bonheur trouble de voyager au pays des phrases ou si la petite écrivaine de Mary Wilson Hubbard ne sait rien encore de tout cela?
ma vie est le long fil décousu
d’un rêve
que je ne cesse de prolonger
avec l’espoir inaltéré
de sa réalisation possible
il me manque
l’absolue raison de poursuivre
cet itinéraire
barbare et inutile
il me manque un visage
pour permettre l’inscription insensée
de mon existence
dans le parcours chagrin
de mes yeux tendresse
il me manque des mots pour situer
l’absence de métamorphose
dans l’histoire quelque peu assoupie
de mes instants épars
je ne suis qu’un pauvre instant
dans un quotidien soupir
(mai 1982)
* toile de Maurice Mann
C’est toujours un moment un peu magique quand la lectrice de Jeni Reeves sort de la pile des livres qui attendent leur heure celui-là et pas un autre. Celui dont elle lit le résumé pour savoir ce qui l’avait d’abord attirée. C’est toujours un moment précieux quand elle se rend compte que le livre est tentant comme le jour où elle l’a trouvé sur une étagère dans une librairie d’occasion alors qu’elle ne cherchait rien. C’est toujours un moment doux celui où elle s’attarde au quatrième de couverture avec espoir.
Pourquoi sortir des livres si c’est pour commettre des impairs et faire des erreurs? Pourquoi sortir des livres et tenter de vivre une vie hors d’eux? Pourquoi? Pour ne pas répondre à cette question et à beaucoup d’autres, fort probablement, la lectrice de Miguel Diomede a ouvert un livre, n’importe lequel, au hasard. Comme elle le fait toujours.