Lali

Elle achète des cahiers vierges. C’est sa passion. Des cahiers dans lesquels la lectrice de Rachel Deacon transcrit les passages des livres qu’elle lit. Des phrases, des poèmes, des titres de chapitres, tout ce qui la séduit et qu’elle a envie de retenir pour une éternité ou deux. Comme ce poème de Paul Éluard :

Mon amour pour avoir figuré mes désirs
Mis tes lèvres au ciel de tes mots comme un astre
Tes baisers dans la nuit vivante
Et le sillage de tes bras autour de moi
Comme une flamme en signe de conquête
Mes rêves sont au monde
Clairs et perpétuels.

Et quand tu n’es pas là
Je rêve que je dors je rêve que je rêve.

Et parfois parce qu’on se demande pourquoi les choses arrivent, parce qu’on se dit que rien n’arrive pour rien, la réponse arrive. Une réponse qui dit tout, trois mots qui expriment le pourquoi du cela. Et comme la lectrice peinte par un artiste de l’école anglaise vers 1840, on lit, on relit, ces trois petits mots et on sait. On sait.

Je ne retrouve plus Les lettres philosophiques de Voltaire. Pourtant, je possédais une belle édition de chez Garnier. Encore un livre que j’ai dû prêter et qui n’est pas revenu. Et si je le cherchais, c’est à cause d’une citation que Denise m’a envoyée, à savoir celle-ci : « J’ai décidé d’être heureux parce que c’est bon pour la santé. »

Une citation qui me convient tout à fait. Parce que je crois qu’il y a une part de nous qui décide d’être heureuse; parce que je crois que le bonheur ne vient pas tout seul à soi, même si des morceaux de bonheur se trouvent dans certains détails du quotidien qu’on se plait à embellir. Parce que je crois que nous sommes en partie responsables de notre bonheur.

Et à cause de cette citation, j’ai eu envie de tourner quelques pages de mon vieux livre qui date de mes années sur les bancs de l’université. Pour trouver d’autres phrases qui me plairaient.

Mais peine perdue. Pas de Voltaire dans les environs. C’est peut-être la lectrice d’Ernst Stöhr qui me l’a emprunté?

Le train l’emmène vers celui qu’elle aime.
Un peu plus d’une heure et la lectrice d’Edward Hopper fermera son livre et attrapera sa valise.

Mais pour le moment, le cœur lui débat et elle n’arrive pas à se concentrer. Mais pour le moment, toutes ces images d’eux il y a quelques mois, tous ces souvenirs qui affluent. Et le doute qui monte lui aussi en elle. Et s’il n’était pas là? Et si elle ne lui plaisait plus? Et si tous deux avaient imaginé quelque chose qui a fondu depuis comme neige au soleil? Et à tous ces doutes, les doux souvenirs font obstacle. Et c’est le yoyo. Les montagnes russes.

Elle voudrait n’être que dans l’exaltation. Mais pour le moment, il n’y a en elle que la peur de gâcher le passé en voulant entrer dans l’avenir. Et cette peur prend toute la place.

Il est difficile d’avoir tort quand on a fait soi-même les questions et les réponses.[ Groucho Marx ]

Est-ce cela que fait la lectrice de Zoran S. Kos? Fait-elle partie de ces gens qui ont réponse à tout?

Ce que mots vous inspirent, ce n’est rien d’autre qu’une pensée déposée chaque mercredi matin pour vos mots et commentaires, lesquels seront validés le mercredi suivant. Ce n’est rien d’autre qu’une plage à vous, qui peut être ludique, humoristique ou réfléchie. Il n’y a pas de règles au pays de Lali, juste quelques mots ici et là, les vôtres et les miens.

Je regarde la sculpture de Derek Wernher et inévitablement, je ne puis m’empêcher de penser de penser à Jean-Claude et à son banc, devant le lac. L’image qu’il m’a décrite, puisque je ne l’ai jamais vu assis sur son banc, me fait penser à ce lecteur. Quoique j’ignore si l’ami porte un chapeau, quoique j’ignore s’il apporte un journal quand il s’installe sur son banc. Je sais juste qu’il aime son banc et son lac.

Parce que j’ai envie de rester dans le monde des couleurs, même si je ne perds pas de vue le fait que dans quelques semaines le blanc dominera, je cueille dans ma galerie quelques rouges, quelques dorures, celles de Géraldine, un jour d’automne pas si lointain. Et à nouveau, je souris.

Il suffit de quelques traits colorés dans le ciel pour que je m’émerveille, pour que la journée soit belle, peu importe le programme. Oui, il suffit dejuste quelques couleurs retenues en vitesse avant qu’elles ne se laissent gagner par d’autres, moins intenses, pour que s’installe sur mes lèvres un sourire et que j’aie envie de partager avec vous ce moment.

Matin après matin, il glisse des mots sous sa porte, parfois les siens, parfois des poèmes qu’il aime, comme autant de caresses sur sa peau, comme signes de tendresse indélébiles. Et matin après matin, la lectrice de Catherine Semprez dévore avvec avidité les mots, comme autant de traces d’amour, elles aussi indélébiles.