De temps en temps, l’un ou l’autre, amant, amie, collègue, sœur ou autre, lui apprend à retirer le im de impossible. Et pendant quelques heures, quelques semaines ou davantage, la lectrice de Rosa Ibarra a des ailes. Tout lui est permis et rien ne la retient au sol.
Oui, elle vole. Vraiment. Je vous l’assure, je l’ai vue un jour quitter le sol. Je crois qu’elle parlait de l’un de ceux qui lui avaient fait croire au mot possible ou au mot vrai. Oui, oui, ce coup-ci, elle ne se trompait pas, disait-elle. Il est sincère, disait-elle. Et elle y croyait. Et je l’ai regardée s’écraser au sol avec ses ailes imaginaires au dos et je l’ai ramassée. Encore une fois.
Oui, elle vole. Quand elle se met à parler de celle qu’elle appelle une amie, dont elle aime la compagnie qui semble tellement apprécier la sienne et qui la fait se sentir enfin comprise. Je ne lui dirai pas, non je ne le lui dirai pas, qu’un jour l’autre trahira son secret et qu’elle sera comme un oiseau de mer après le naufrage d’un pétrolier.
Oui elle vole. Quand elle me parle les yeux brillants de ce collègue qui est si charmant et que tout le monde qui semble l’aimer. Que pour une fois, elle travaille avec quelqu’un sans malice et dont elle n’a pas à se méfier. À trop voler près du soleil, surtout quand il s’agit d’un fieffé menteur, les ailes collées à la cire finissent par se décoller.
Ou plutôt, elle volait. Oui, elle volait.
Et puis, un matin elle a décrété qu’elle ne serait de ces oiseaux qui savent voler jusqu’aux nuages et traverser les océans. Et qu’elle n’aimerait pas être un pigeon. Alors, elle a pris ses ailes, a détaché les plumes une à une et les a rangées près de l’encrier. Elle avait trouvé sa façon bien à elle de voler.
Et elle a ouvert un livre. L’heure d’écrire lui viendrait.