Lali

4 mars 2013

Au pays de la poésie yiddish 11

Filed under: À livres ouverts,Couleurs et textures — Lali @ 23:59

Je t’ai cherché

Je t’ai cherché, mon bien-aimé, dans tous les espaces secrets,
Dans la forêt de laine blanche des nuages
Suspendus au matin tels les fruits bleus du gel.
Là le vent est un Dieu sur la fin de notre âge,
Il joue avec des astres morts et des naines de neige.
Là le vent boréal accroche ses cloches d’argent
Parmi d’aveugles ouragans, et son souffle secoue
Les bivouacs de la nuit, disperse à l’aube les étoiles.
Là, sur tous les chemins du temps, les convois infinis et bleus
Où dansent des spectres de feu transpercés d’éclats du soleil,
Là où scintillent les photons nouveau-nés, là
Où rougeoient les cœurs mystérieux des Céphéides,
J’ai cherché ta trace, partout, et j’avais les yeux de la foudre,
Du tonnerre j’avais la voix, t’appelant durant tant d’années,
Je chantais ton nom dans la nuit comme jadis les troubadours,
J’étais folle de nostalgie et j’étais malade d’amour.

Dora Teitelboïm (1914-1992)
(Anthologie de la poésie yiddish)

*choix de la lectrice d’Édouard Vuillard

Le remplaçant

Filed under: À livres ouverts — Lali @ 19:38

Quand Agnès Desarthe a décidé d’écrire l’histoire de son grand-père, elle pensait que ça n’intéresserait que les membres de sa famille. Elle ignorait que cela allait la mener aussi loin, à cette enquête mettant en lumière des questions restées pour la plupart sans réponse ou auxquelles à l’époque on avait répondu de façon évasive pour ne pas troubler le passé, voire même le présent.

Or, rien n’est jamais tout noir ou tout blanc. Et à mesure qu’elle dressera le portrait de celui qui fut le grand-père de remplacement, le premier mari de sa grand-mère et père de sa mère ayant péri à Auschwitz, Agnès Desarthe tisse pour nous une très belle histoire. Pleine de tendresse, de regrets aussi. Parce que celui qu’elle considéra comme son grand-père, qu’elle aima pour ce qu’il était, alors qu’il ne fut jamais un héros, le seul et unique héros ayant été celui qui ne revint pas des camps de l’horreur, ne fut peut-être pas estimé et autant aimé qu’il le méritait. Il n’était pas parfait, mais qui l’est? Il avait perdu sa première femme, la grand-mère avait perdu son premier mari. Ils s’étaient connus avant. Cela simplifiait les choses quand il a fallu réapprendre à vivre.

Or, si la raison a pris le pas sur l’amour, faut-il empêcher les autres d’aimer? D’aimer l’homme qui ne fait pas de bruit et qui traverse le siècle sans devenir un héros? C’est la question que se pose Agnès Desarthe à mesure que se construit ce faux roman plus proche du récit que de la fiction, où il est aussi question de Janusz Korzock, directeur de l’orphelinat du ghetto de Varsovie, qui fut lui aussi un remplaçant.

Sobre et pudique, Le remplaçant est un texte émouvant. Sur ce que nous sommes, sur nos racines, sur ce qui nous lie à ceux qui nous aiment qui n’a souvent rien à voir avec les gènes, sur ce qui demeure quand on croit avoir tout oublié.

Un graveur à découvrir

Filed under: Couleurs et textures,Les trouvailles de Lali — Lali @ 11:01

Le graveur Ken Swanson, du Wisconsin, à qui l’on doit ces quelques scènes livresques, est loin d’être à court d’imagination. Comme vous pourrez le constater en le visitant.

Ce que mots vous inspirent 873

Filed under: Ce que mots vous inspirent,Couleurs et textures — Lali @ 8:00

Non, un livre n’est pas cette chose morte, déracinée, immobile et stupide qu’un coup d’œil rapide laisse supposer. Il n’est pas cet objet, terriblement seul, oublié sur le catafalque d’une table de librairie, composé d’une suite de mots, de papier et de carton. En fait, il fourmille d’aventures, mais ce ne sont pas uniquement celles produites par le texte. (François Coupry)

*toile de Félix Vallotton