
La comédienne, slammeuse, peintre et poète Natasha Kanapé Fontaine, Innue de Pensamit, 21 ans, possède une telle maturité d’écriture qu’on a peine à croire qu’elle est si jeune.
Mais la jeune femme porte sur elle le poids des siens, de leur histoire et de la sienne, ce qui confère à N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures une force et une énergie peu commune.
Les visions anciennes
mêlent à nos doigts lacés
les baisers du soir
aliénés
affirme-t-elle, émue, touchée, grave, tandis que surgissent d’autres mots, où se mêlent espoir et nostalgie :
J’attends la brûlure du nerf
achever mon éveil
mon manteau
les feux de l’aube
viendront
briser les vents de ton hiver
Ses racines innues sont là, fortes, imprégnant chacun des mots, leur course effrénée, dans les images qui se créent et se tissent sous nos yeux, alors que nous lisons tout haut ses mots qui deviennent facilement nôtres tant ils sont universels :
Première lueur
je ne sais pas
où je m’en vais
le soleil se tient droit
sur la mer
les iris
brûlés de lumière
je m’enivre
d’insouciance.
Ou plus près de soi quand ils expriment l’indicible :
Trop longtemps
j’ai porté mon canot
en des forêts citadines
mon pays m’appelle
mon pays me revient
j’achève mon exil
pour un retour
tremblant.
Une voix est née, a jailli. Forte, puissante, pour qu’un peuple ne tombe pas dans l’oubli, pour qu’une femme se fasse porte-parole de ceux, trop nombreux, qui se taisent, en cherchant sa propre voix. Une voix, un cri, qui ne veut plus s’éteindre.
Natasha Kanapé Fontaine n’est pas une étoile filante. Elle éclaire la poésie innue et la poésie tout court d’une lumière qui lui est propre.
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