Les grandes passions ne peuvent survivre aux contraintes de la vie, aux obligations, voire à certains secrets. C’est ainsi que pourrait se résumer le premier roman de Katia Lemieux, correctrice et rédactrice à la pige, ainsi qu’artiste en arts visuels, qui a aussi illustré la couverture de son livre.
Cette vérité, nul ne peut l’ignorer. La littérature, comme l’opéra et le cinéma, l’ont exploitée à maintes reprises. Katia Lemieux ne tente pas de nous prouver le contraire dans ce roman mettant en présence, quelque dix ans après leur séparation pour des raisons qui nous seront livrées au fil des pages, un homme et une femme qui n’ont jamais cessé de s’aimer. Malgré les années, malgré la distance, Lila vivant depuis un moment aux États-Unis; malgré le fait que Simon soit marié. « Je l’aime avec la constance que provoquent l’absence et le manque, et la douleur qui se love dans le cœur », écrit Simon, réalisant à quel point il est obnubilé par son amour.
La passion est là. Prête à tout emporter sur son passage. Mais elle ne peut durer. Ils le savent, eux qui n’ont que trois semaines devant eux pour tout vivre, pour tout se dire. Ce qui amène Lila à faire ce constat : « Nous cherchons autre chose, plus que ce que la vie semble disposée à nous offrir, nous nous cherchons nous-mêmes à travers l’autre. Il n’y a que par l’autre que nous puissions accéder à cela : l’oubli de la peine et du vide de l’existence. »
Alors que le lecteur lui aussi est emporté par cette histoire, alors qu’il revit peut-être en parcourant l’histoire de Simon et de Lila un peu de ce qu’il a vécu et qu’il n’oubliera jamais, ou ce qu’il aurait voulu vivre, alors qu’il s’attache à ce couple qui n’a rien à envier à Roméo et Juliette, à Fanny Ardant et à Gérard Depardieu dans La femme d’à côté, et à tous ces amants mythiques auxquels nous faisons sans cesse référence, vient ce moment où Lila explique ce qui s’est passé pour qu’elle parte.
Ah. C’était ça. Juste ça. Vraiment juste ça? J’avoue que j’ai été déçue. Je ne pensais pas qu’il fallait si peu pour troubler de la sorte un tel amour. Mais ce qui est arrivé à Lila, ce qui l’a poussée à tout quitter n’est rien à côté de ce que Simon a fait pour réparer la blessure, chose qu’elle n’a jamais sue, et qu’il a choisi de taire à tout jamais, même s’il lui faut pour éteindre ce souvenir le noyer dans l’alcool.
Ah. C’était donc ça. Et pourtant. L’écriture poétique de Katia Lemieux avait tout pour me plaire. Tout comme la passion entre Lila et Simon, intacte, qui ne pouvait que revivre. Et qui a connu des suites, puisque Simon pensait être en mesure de tout quitter pour la retrouver. Mais il ne passera que quelques jours auprès d’elle avant de fuir, avec son secret. Et pourtant. J’étais déjà conquise. Dans la lenteur des nuits se déroule à Lac-Mégantic, lieu de mes origines, là où sont enterrés mes arrières-grands-parents, là où une rue porte le nom de mon grand-père qui en a été le maire. Et Katia Lemieux décrit à merveille ce lieu, le lac, ses alentours, ses arbres, sa lumière.
Si je puis facilement admettre que le secret de Simon est lourd, tellement lourd qu’il ne pourra que briser ce qui les unit à plus ou moins long terme, je ne trouve pas que celui de Lila justifie à lui seul le départ de celle-ci. Mais c’est le choix de l’auteure. Sa vision. Sa conception des choses, son idée des faits qu’elle a inventés ou dont elle s’est inspirée. Et c’est dommage, car c’est là tout ce qui cloche dans ce roman qui est celui d’une écrivaine qui maîtrise déjà l’écriture, les images et le rythme, d’autant plus qu’elle a choisi le piège du roman à deux voix, celles des deux protagonistes qui, bien qu’elles comportent quelques similitudes, sont différentes dans la mesure où le ton et les préoccupations et la façon d’exprimer celles-ci sont différentes.
Autrement dit, Katia Lemieux signe ici un roman réussi, sensuel et poétique, qui ne peut qu’annoncer des beaux jours à cette native du Lac-Saint-Jean qui a étudié en arts à l’UQAM.
Texte publié dans
Titre pour le Défi Premier Roman