En vos mots 920

Comme j’aimerais prendre la place de la lectrice de l’illustratrice Sonia Cavallini et demeurer au chaud jusqu’au printemps avec bouquins, thé ou café et même un chat! Suis-je la seule à avoir un tel souhait?
C’est ce que nous saurons dans sept jours et pas avant, au moment de la validation des commentaires qui me seront parvenus afin de donner vie à cette scène livresque en vos mots. Vous avez donc plus que le temps nécessaire pour écrire quelques lignes et même de lire les textes déposés sur le tableau de dimanche dernier.
Retrouvons-nous dimanche prochain pour la suite. D’ici là, bonne semaine à tous les envosmotistes et à celles et ceux qui les lisent.
Lisboa, 15 décembre 2024
Ma chère B.,
Comme cela m’arrive souvent, j’ai pris un livre qui sommeillait dans l’étagère depuis presque une éternité. Histoire de m’attarder sur quelques lignes d’une page que j’ouvre, toujours, sans préférence. J’adore cela. Partir à la rencontre de l’inconnu des mots, comme si on s’en allait, pour quelques heures, rencontrer des gens avec la seule envie de s’enrichir de leurs récits. De leurs mots. De leur façon de les dire.
L’imprévu a voulu que j’ouvre le livre où dormait une dédicace : « Un peu de moi d’il y a dix ans… août 2007. » Aussitôt, je me suis dit qu’un peu plus de 17 ans s’étaient écoulés depuis que ce livre m’avait été dédié. Dix-sept ans qu’il fait partie de ma vie. Dix-sept ans que ce livre est le témoin muet de mes rêves, de mes tristesses et de mes joies. Et de mes larmes. Aussi. Parfois.
Je m’amuse à penser qu’il y a des amitiés qui finissent par avoir des airs de vieux couple. Ces couples qui, avec le poids des années deviennent davantage frères qu’amoureux. Et ils ne s’aiment pas moins. Ils deviennent indispensables l’un pour l’autre. À un point tel qu’ils n’imaginent plus leurs existences si l’autre n’y est là. Quelque part.
Dix-sept ans. Le temps passe. Si vite. Soudain, il m’a semblé que c’était hier que je partageais le même verre de porto avec papa. J’aimais l’appeler ainsi. Je crois que je l’ai appelé ainsi dès notre première rencontre. Au début, cela le dérangeait un peu, puis, sans doute épuisé de me dire qu’il n’aimait pas trop cela, il s’est accommodé de mon obstination. Maman, par contre, cela ne l’a jamais dérangée.
Je ne saurais dire pourquoi je ne peux les appeler autrement quand je pense à eux. Pourquoi je dis « mon frère » en m’adressant à quelques rares amis alors que je suis incapable de le faire avec tant d’autres. S’il y a des gens à qui je dis « papa », « maman », « mon frère », c’est sans doute que cela sonne dans mon cœur comme la note bleue dans le jazz. Parce que la rareté des choses… Il n’y a pas d’autre explication. À moins de s’appeler Carl Rogers ou Abraham Maslow, lesquels ont des explications pour toute chose de l’âme humaine. Je préfère ne pas le savoir. Pas ce soir.
Étrange vie, ma vie. Je prends un livre qui sommeille dans l’étagère , pour m’attarder sur quelques mots sans préférence et je m’arrête sur une dédicace… Et voilà que le cœur s’emballe. La pensée voyage.
L’homme rapaillé, la douce Lucie partie avant que l’amour s’épuise, puis Marie Uguay, Nelligan, les chansons de Lelièvre, Cohen, Roch Voisine…
Nos vies ne s’écrivent pas sans tous ces bonheurs d’occasion. Des pages gravées, pour toujours, dans nos silences réciproques. Morceaux inséparables de nos existences. Faisant fi des distances. En dépit de nos différences.
Dans ma tête, c’est comme un printemps de souvenirs avec de l’amour tout autour. Dans les seuls mots d’une dédicace.. Pas besoin de plus.
Je t’embrasse.
A.
Comment by Armando — 9 décembre 2024 @ 23:43
Elle ne sait plus où donner de la tête. Des marchés de Noël partout, des spectacles et concerts de fin d’année. Des expositions. Comme si tous ses amis s’étaient donné le mot pour l’inviter aux événements de ces derniers jours de décembre dans la ville envahie de musique et de lampions. De plus, elle s’est constitué bien qu’à contrecoeur une liste de tâches, qui s’allonge plus vite qu’elle n’arrive à la raccourcir. Quant aux journées, elles ne s’allongent guère. Et même quand le temps de luminosité augmentera très prochainement, elles ne compteront toujours que vingt-quatre petites heures.
Alors ce dimanche, elle ne va même pas la regarder cette liste. Elle ne jettera pas un coup d’oeil à son agenda trop dense. Il fait trop froid dehors pour traîner sur les places. Et elle a beau se nourrir de propolis et de vitamine C, son corps lui dicte de rester au chaud pour ne pas s’enrhumer. Tous les prétextes sont bons en effet pour la retenir chez elle, auprès de son chat et de son livre préféré de l’hiver. Hiver qui n’a même pas encore commencé d’ailleurs. Aujourd’hui, elle va donc fêter l’adieu à cette saison mordorée et encore douce qui avait succédé à l’été, et accueillir comme il se doit le paysage enneigé qui s’est invité depuis hier.
La chat, qui a essayé de s’en prendre aux oiseaux de la couette, s’est cependant fait rabrouer et reste prudemment en observation sur le rebord de fenêtre. Tant pis, il ne lui tiendra pas chaud en se blottissant comme il aime le faire contre ses flancs. Car Viviane n’a pas envie de voir sa jolie couette abîmée.
Tout en tournant avec lenteur chaque page afin de mieux la savourer, elle rêve en silence d’un monde où les chats ne tenteraient plus d’attraper les oiseaux. D’un monde où la neige serait toujours aussi belle, mais où se déplacer à l’extérieur serait moins réfrigérant. D’un monde où elle aurait la possibilité de tout faire, sans que ne fuie le temps.
Comment by anémone — 13 décembre 2024 @ 8:15