Les vers de Marceline 1
La lectrice peinte par Sharon Casavant n’a pas hésité une seconde. Quand elle va vu les Poésies de Marceline Desbordes-Valmore sur la table, elle n’a pas même pas regardé les autres recueils. Il y a si longtemps qu’elle n’avait parcouru ce magnifique recueil publié chez Gallimard (précédé d’une solide et sensible préface signée Yves Bonnefoy). Trop longtemps. Et c’est émue qu’elle a retrouvé ce texte :
L’amour
Vous demandez si l’amour rend heureuse;
Il le promet, croyez-le, fût-ce un jour.
Ah! pour un jour d’existence amoureuse,
Qui ne mourrait? la vie est dans l’amour.
Quand je vivais tendre et craintive amante,
Avec ses feux je peignais ses douleurs :
Sur son portrait j’ai versé tant de pleurs,
Que cette image en paraît moins charmante.
Si le sourire, éclair inattendu,
Brille parfois au milieu de mes larmes,
C’était l’amour; c’était lui, mais sans armes;
C’était le ciel… qu’avec lui j’ai perdu.
Sans lui, le cœur est un foyer sans flamme;
Il brûle tout, ce doux empoisonneur.
J’ai dit bien vrai comme il déchire une âme :
Demandez-donc s’il donne le bonheur!
Vous le saurez : oui, quoi qu’il en puisse être,
De gré, de force, amour sera le maître;
Et, dans sa fièvre alors lente à guérir,
vous souffrirez, ou vous ferez souffrir.
Dès qu’on l’a vu, son absence est affreuse;
Dès qu’il revient, on tremble nuit et jour;
Souvent enfin la mort est dans l’amour;
Et cependant… oui, l’amour rend heureuse!