Au pays des poètes russes 4
L’Anthologie de la poésie russe était posée sur la table, attendant la lectrice peinte par Daniel Huntington, laquelle a laissé les mots la guider, ne suivant aucun ordre, glanant çà et là un poème puis un autre jusqu’à ce qu’elle s’arrête définitivement sur ce texte de Théodore Tutchev :
Je me souviens… je me rappelle
Ces temps, ces lieux chers à mon cœur…
Le jour baissait… J’étais près d’elle
Au bord du Danube en rumeur.
Sur la hauteur, majestueuses,
Les ruines d’un noble nid…
Appuyée à leur dur granit,
Tu semblais une fée heureuse
Et ton pied d’enfant effleurait,
Léger, la pierre séculaire;
Le soleil quittait à regret
Ta silhouette jeune et claire.
Très doucement jouait le vent
Avec ta robe, à son passage
Sur tes épaules répandant
Quelques fleurs d’un pommier sauvage.
Tu voyais s’assombrir au ciel
Des nuages multicolores;
Le fleuve en ses bords irréels
Chantait d’une voix plus sonore.
Insouciant, battait ton cœur;
L’ombre de la vie éphémère,
Parmi ces dernières lueurs,
Passait sur nous, tendre et légère.