Les extraits de revues 14
La lectrice peinte par Maximo Caballero n’a pas été longue à trouver dans le numéro 6 de la revue Vagabondages un texte qu’elle a eu envie de partager avec vous. Un long texte qui l’a profondément touchée, m’a-t-elle dit.
Je n’ai jamais méconnu mon visage de sable
Les yeux des femmes
et tous leurs miroirs
marins et floraux
m’ont toujours renvoyé une image
sensible infiniment
Je n’ai jamais méconnu mon masque de faune
Maintes forêts tropicales
dans leurs verdoyantes assonances
m’en ont toujours affublé
entre les rires grimaçants des tigres
et les flûtes émouvantes des métisses
jouant entre les arbres métalliques des villes
comme les mantes
du frottement de leurs ailes
Sous aucun climat
ma parure d’écailles n’a pâli
et mes os n’ont jamais brûlé
d’un autre feu que celui
qu’attisait l’impatience d’être homme
Debout au pied de chacun de mes rêves
j’ai toujours balbutié les cendres de mes mots
laissant ma bouche bruire
le secret filigrane
qu’aucun faussaire ne peut traduire
Sous aucun ciel
je n’ai vendu mon œil pour une papaye
mon regard pour le vide
mon geste pour un autre
Poisson ou bélier
mes chemins m’ont conduit vers les rives
sonores ou muettes
vers des repaires d’oubli
où je redessinais chaque fois mon envol
scrutant l’horizon migrateur
comme un fil incertain
où poser ma voilure
où m’étendre
sans faire du lendemain
un linge qui s’assèche
et givre
dans le froid boréal des matinée d’hiver
Sous aucun prétexte
je n’écoutais aux portes qui s’ouvraient
ou se fermaient
au gré des vents que les courlis nouaient
sous leurs ailes apeurées
sauf si
un battement de cil acclimatait mon râle
et découpait mes lèvres
sur le couchant meurtri
ensanglanté de ses nuées
Je n’ai jamais méconnu les orages
ni les outrances infligées au cœur
par le blizzard léger que soulèvent nos pas
Je n’ai jamais renié le vide
ni l’herbe
ni les glaciers limpides
que nos larmes fécondent
J’ai marché sur des plages
affrontant l’horizon
comme le fil d’un rasoir
guérissant mes blessures
et recueillant la mer
comme une cicatrice étendue à mes pieds.
(René Hervieu)