Les extraits de revues 10
Le numéro de mai-juin 1987 de la revue Poésie attendait la lectrice de l’artiste québécois Denis Chiasson, qui n’a pas été longue à le parcourir, parce que presque tout de suite elle s’est arrêtée sur ces mots :
Un réveil
Dans un rêve je me trouvais emmuré.
Ses murs n’avaient ni consistance
ni poids : leur vide était leur poids.
Les murs étaient des heures et les heures
ennui fixe, accumulé.
Le temps de ces heures n’était pas du temps.
J’ai sauté par une brèche : il était quatre heures
en ce monde. La chambre était ma chambre,
mon fantôme habitait chaque chose.
Moi je n’étais pas là. J’ai regardé à la fenêtre :
pas une âme sous l’éclairage électrique;
neige déjà sale, maisons éteintes,
pylônes, autos endormis, le vaillant
cercle de chênes, grands squelettes.
Noire et blanche la nuit : les dessins
des constellations, illisibles;
le vent et ses couteaux. Je regardais,
sans comprendre. Je regardais, de mes yeux,
dans la rue déserte, la présence.
La présence sans corps. de mes yeux.
L’être est réticent dans son abondance.
J’ai regardé à l’intérieur : C’était ma chambre
et je n’y étais pas. Rien ne manque à l’être,
même en notre absence. Dehors,
encore indécises, des clartés :
l’aube entre des toits confus.
Déjà les constellations s’effaçaient.
(Octavio Paz)