Quelques traces 4
Certains livres nous bouleversent. Sur le coup ou bien des années plus tard. Sur le moment, on ne sait pas. On sait juste ce qu’on ressent, pas si on ressentira encore la même chose dans trente ans. Et la lectrice de Vasily Adrianovich Zaichenko ne sait pas non plus. Elle sait seulement qu’elle a été touchée par cet extrait de Traces de Marcelle Roy.
J’ai la terreur de ce que j’écris.
Mon écriture sera haute et courageuse, affirmée. Vivante et fière, Et moi je ne serai ni haute ni fière ni courageuse. Tremblante et rongée par la panique. Morte de peur.
Mon écriture ne réussira que son propre échec. Insignifiance et déjà vu déjà dit déjà tout. Je serai semblable à elle, victorieuse de honte et de peur. Je le savais. Pourquoi risquer?
Je suis poursuivie jusqu’au bord du sommeil : dix fois, vingt fois je rallume. Les mots m’égorgent et m’empêchent de dormir.