Lali

Qui n’a pas un jour entendu parler, à défaut de les avoir lues, des Lettres de la religieuse portugaise? Ont-elles vraiment été écrites par Mariana, une religieuse au couvent de Beja? Sont-elles le fruit d’un spécialiste de l’art épistolaire qui s’en est dit le traducteur? Un bref aperçu de la polémique entourant ces cinq lettres peut être lu ici.

Et si d’aventure, vous ne les avez jamais lues, si votre curiosité est piquée, si vous avez envie d’entrer dans l’âme passionnée de celle qui se livre à celui qu’elle aime, ce « cri d’amour sans écho » comme l’exprime Sabine Blesniak dans la préface qu’elle signe aux éditions Alternatives, prenez soin de choisir cette édition, pour la beauté du livre lui-même et pour les calligraphies de Stéphanie Devaux, qui donnent un écrin somptueux à ces lettres qui étaient déjà un bijou.

J’avais encore de quoi lire, peut-être même assez de livres pour me faire une jupe comme celle de la lectrice de Luz Esmeralda Torres de Deike, mais je suis sortie. Juste à temps. La chaussée et les trottoirs n’étaient pas encore verglacés comme ils le sont en ce moment, ce qui a rendu le retour périlleux, voire dangereux.

Tout ça pour dire que je suis rentrée de la bibliothèque avec quelques livres et trois CD, et que rien ne me fera retourner dehors. Rien, vous dis-je.

C’est fête après fête que cette période de l’année. Si bien qu’il reste peu de temps pour autre chose! Mais juste avant de partir, tandis qu’on l’attend, l’écrivaine de Jozsef Rippl-Ronai écrit à la course quelques lignes à partir de la toile de dimanche dernier. Prendrez-vous aussi quelques minutes pour le faire?

Vous avez chaussé vos bottines de marche? Noué votre écharpe? Enfilé tuque et mitaines? C’est bon, on peut partir! Direction Bardonnex en compagnie de Denise…

C’est la lectrice du peintre hollandais Jacobus Vrel qui tourne ce soir les pages de Chouennes, le recueil de Pierre Perreault. Une écriture bien loin de celles qu’elle lit habituellement, presque déroutante. Mais qui l’a tout de même séduite.

Le temps qui reste

je n’ai pas une heure à perdre
et nous resterons à fleurir
de l’ultime façon
moins de temps qu’à passer
d’un bout à l’autre du cœur

Il est entré sans bruit dans la pièce. Comme souvent. Il aime la regarder lire. Écrire. Rêver. Ce soir, la lectrice peinte par Holland Berkley écoutait une vieille chanson de Marie-Paule Belle, dont les mots lui sont revenus aux lèvres tandis qu’il se glissait derrière elle.

Nous ne serons jamais plus seuls
Nous ne serons jamais plus seuls
Remercions le ciel de nous avoir
Fait rencontrer au cœur de la vile route

Nous ne serons jamais plus seuls
Nous ne serons jamais plus seuls
Ils sont loin les jours
Où je n’avais pour amis
Qu’un miroir et une cigarette

Comme rêver ne coûte rien et que je suis convaincue que c’est bon pour la santé, ce soir je rêverai que je verrai un jour l’hôtel Crillon tout illuminé, comme l’a vu Chantal…

Combien de livres sont aujourd’hui revenus chez les libraires pour toutes sortes de raisons? Combien de livres si fiers de quitter les rayons pour trouver des mains qui allaient les caresser et les aimer ont été à peine remarqués et redonnés à ceux qui les avaient offerts pour être échangés pour d’autres ou pour des chèques-cadeaux?

Après la fièvre précédant Noël qui anime tout libraire, il y aura hélas toujours ce désenchantement qui dure jusqu’à la première semaine des janvier. Un livre a souvent le même sort qu’un pull ou une paire de chaussures : il est un objet qu’on peut échanger pour un autre.

*toile de Val Hogson

On ne les a pas entendus de la journée. Pas un cri, pas de chamaille, rien. Et pourtant, ils n’avaient qu’un seul livre. C’est tout ce que le père Noël avait apporté pour eux trois. Un livre avec des images à toutes les pages. Un livre qu’ils ont regardé comme on regarde le plus beau des sapins de Noël. Les yeux brillants.

Et malgré ce seul cadeau, ils sont convaincus d’une chose : le père Noël existe vraiment.

*sur une toile d’un peintre anonyme (1800-1810)

Il n’avait pas écrit autant depuis longtemps. Même s’il écrivait quotidiennement. Comme si les mots accumulés depuis des semaines avaient choisi le même après-midi pour jaillir de lui, sans fin.

Chaque fois qu’elle entrait dans la pièce, il lui tendait un nouveau texte. Intense. De plus en plus poignant et bouleversant. Comme si les mots avaient attendu patiemment la fièvre qui s’était emparée de lui pour apaiser les eaux troubles de la mémoire qui s’agitaient en lui.

Dans un coin de sa tête, elle a souri. Dans quelque temps, elle sortirait un des textes de ce jour et il la regarderait curieusement : Tu es sûre que c’est moi qui ai écrit ça?

*sur une toile de Robert Beck