Naissances 5
Paris
Que de fois je regardai par la fenêtre en Amérique
Dans l’espoir que vînt à moi un paysage de France
Et c’est Paris qui fait irruption par la croisée
Avec les grandes foulées Notre-Dame de pierre
Il va traversant les siècles sans avoir à bouger même le petit doigt
Jusqu’à cette bordure frémissante d’écume
Qui forme le moment présent et fait battre notre cœur,
Paris et son brouhaha de chars mérovingiens, ses carrosses dorés, ses fiacres, ses automobiles de tous les âges,
Tout ce vacarme étouffé dans l’œuf par le silence intimidant de l’histoire,
Paris avec son pouls parfaitement régulier, sans la moindre intermittence
Malgré les catastrophes traversées
Paris retrouvé par un homme qui te regarde du fond de sa chambre et de son coeur
Fidèle à ton ciel où déambulent de grands mages infidèles
Folle bande versatile qui passerait facilement à l’ennemi.
Chut! le ciel n’a pas de patrie
Et c’est peut-être ce qui fait sa grandeur,
L’intimité de son accueil à la profondeur saisissable
Où vont et viennent les âmes nues et naissent les ailes des anges.
Jules Supervielle, Naissances
*choix de la lectrice de Susan Paradise