Naissances 3
Le visage
Pour affronter le ciel il me faut un visage
Qui ne ressemble au mien que par le vif des yeux
Et pour gravir la nuit j’ai besoin de ce bleu,
Ce souvenir du jour et de ma mère sage
Blottie entre mes cils avec tant de pudeur
Que nul ne pense à elle en voyant leur couleur.
Elle sait être moi avec tant de patience
Qu’elle aime à se confondre avec mon ignorance
Et l’on ne songe pas que je ne suis pas seul
À vouloir m’élancer au puits sans fond du ciel.
Pardon de n’avoir su, ô douce ressemblance,
Imiter ta pudeur ni garder ton silence.
Jules Supervielle, Naissances
*choix de la lectrice d’Aimée Pagès