L’extrait de Pierre Nepveu
C’est l’écriture du poète Pierre Nepveu, un des deux auteurs de l’anthologie intitulée La poésie québécoise et un de ceux qui ont marqué ma vie d’étudiante à l’Université de Montréal où il enseigne, qui a séduit la lectrice du peintre israélien Alexander Bogen. Et ces vers qu’elles a choisis pour nous :
le temps ne connaît pas ses proies
elles tombent d’un mauvais voyage
l’année courante a broyé les os les idées noires
les oiseaux accrochés au vent armé
aux édifices de lumière
immatériels
le temps n’aime pas ses victimes
les rejette à la grande noirceur
d’une survie lunaire
les dévisage dans le courant d’air
d’une éternité prosaïque sans densité
tandis que les nerfs méli-mélodisent
le destin se tourne dans son lit
en déploiement de faiblesse
en état de grâce érotique ou savante
les proies s’échappent et reviennent
parmi les arbres les passions mobiles
les appartements néantisés par la hâte
(soleil en cage les oiseaux en repartent
leur blancheur assouvie)
au fil du corps plus ou moins sûr de ses limites
à l’esthétique maturité
de ses faits et gestes
que le temps n’emporte pas
en paradis