Je pense parfois à elle. Elle dont le poste a été coupé à dix-mois de la retraite. Elle qui ne s’y attendait pas. Elle qui a quitté le bureau une dernière fois un jour où je n’y étais pas. Elle à qui je n’ai pu dire un véritable au revoir. Pour qui je n’ai pas trouvé les mots à écrire. Et pourtant, je sais ce qu’elle vit. Du moins en partie.
Et maintenant que trois semaines ont passé, peu à peu les mots me viennent. L’envie qu’on se voie hors de notre cadre habituel. Parce que nous avions du plaisir à discuter ensemble et que nous n’habitons pas loin l’une de l’autre.
Mais il y a en moi ce doute. Veut-elle couper les ponts avec ceux et celles qui ont fait partie de son quotidien pendant près de cinq ans? Y a-t-il des gens avec qui elle veut garder contact alors qu’elle fait face à une situation qu’elle n’a pas imaginée une seconde?
Je ne sais pas. Je sais juste qu’en ce qui me concerne il m’a fallu beaucoup de temps avant de faire le deuil de ce qui avait été ma vie pendant près de vingt-deux ans. Je sais aussi que des mois, voir des années, ont été nécessaires avant d’être en mesure de revoir certaines personnes. Parce que la blessure était là. Le retour en arrière impossible. Et que cette impression d’échec me suivait partout.
Peut-être aussi que j’ai attendu un signe qui n’est pas venu et qu’elle attend aussi un geste, un mot.
Ne me dites pas que la vie est simple.
*toile de George Lawrence Bulleid