Les vers de Baudelaire 1
J’avais laissé quelques recueils sur la table. Je n’avais pas envie de choisir entre classiques, recueils d’auteurs québécois ou découvertes du moment. C’est donc la lectrice du peintre italien Lionello Barestrieri qui a choisi Les fleurs du mal de Baudelaire pour les lectrices des prochains soirs. Et ce texte pour nous mettre dans l’ambiance :
La beauté
Je suis belle, ô mortels! comme un rêve de pierre,
Et mon sein, où chacun s’est meurtri tour à tour,
Est fait pour inspirer au poète un amour
Éternel et muet ainsi que la matière.
Je trône dans l’azur comme un sphinx incompris;
J’unis un cœur de neige à la blancheur des cygnes;
Je hais le mouvement qui déplace les lignes,
Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris.
Les poètes, devant mes grandes attitudes,
Que j’ai l’air d’emprunter aux plus fiers monuments,
Consumeront leurs jours en d’austères études;
Car j’ai, pour fasciner ces dociles amants,
De purs miroirs qui font toutes choses plus belles :
Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles!