Lali

23 février 2025

En vos mots 931

Filed under: Couleurs et textures,En vos mots — Lali @ 8:00

Déjà le dernier dimanche de février, Et quel mois, devrais-je dire, car ce sont près de 75 cm de neige qui sont tombés sur Montréal entre le 13 et le 17. En fait, ce n’est que depuis hier matin que ma rue est déneigée et qu’on peut marcher sur les trottoirs. De quoi se réjouir… en espérant que nous ne recevrons plus de neige en abondance d’ici le printemps.

Et pour ce dimanche, je vous propose de faire vivre en vos mots, comme vous le faires si bien semaine après semaine, ce tableau de l’artiste Modupe Alatise Odusote. Prenez votre temps, aucun commentaire ne sera validé avant dimanche prochain. Et profitez-en pour lire les textes déposés sur la scène livresque de dimanche dernier, et même de les commenter si vous le souhaitez.

D’ici là, bon dimanche et bonne fin de mois!

2 commentaires »

  1. Caroline a enfin décidé cette semaine de s’inscrire à un cours de stylisme. Elle y pense depuis un certain temps, avec toujours plus de force. Ce projet est même devenu lancinant. Et voilà qu’elle vient d’en trouver un près de chez elle. Désir qui a mûri en elle, comme par une sorte de fidélité à sa grand-mère couturière. Et souhait de fabriquer pour elle ainsi que pour d’autres les parures dont elle aime créer les patrons dans sa tête. Toujours colorées, et de formes particulières, tels qu’elle n’en trouve jamais dans la confection. Depuis longtemps elle conceptualise des croquis dans des cahiers, et rassemble des livres sur l’histoire du costume, ainsi que sur les différentes sortes de tissus. Elle nourrit une véritable fascination pour les étoffes, pour leurs textures si diverses, pour leurs couleurs variées. Mais elle se heurte comme à un blocage en ce qui concerne la couture. Sa grand-mère travaillait la nuit pour terminer ses commandes. Elle tenait bon à coup de café, puis prenait des calmants pour arriver à dormir. Elle n’avait pas vécu très âgée. La petite cinquantaine à peine. Quant à sa fille, la mère de Caroline, elle devait lorsqu’elle était enfant apporter sa contribution en rentrant de l’école, en faufilant des ourlets, et en portant les vêtements aux clientes, en bonne petite commissionnaire qui ne laissait jamais un paquet sans recevoir en échange le paiement complet en bonne monnaie sonnante. Adulte, elle était capable de réaliser de petites réparations, des raccommodages, mais elle avait pris en grippe le métier. Il avait occasionné autour d’elle trop de souffrance. Une mère trop absente car toujours occupée. Des loisirs parasités par des tâches d’aide. Et surtout voir sa mère se tuer à la tâche.
    Caroline a hérité sans conteste de cette difficulté dans l’approche de la création vestimentaire. Mais elle porte aussi en elle une attirance irrépressible pour tout ce qui est textile. Son premier cours commence demain. Sera-t-elle à la hauteur? Elle le demande instamment à l’esprit de sa grand-mère, comme elle prierait une marraine fée. Sa grand-mère était d’ailleurs sa marraine. Et elle se sent soudain investie d’un rôle nouveau: perpétuer l’ouvrage de cette marraine, tout en le délivrant de son côté lourd et mortifère. Y apporter de la joie et de la légèreté. S’exprimer par la couture juste pour le plaisir. Parce qu’elle exerce un autre métier qu’elle aime, celui d’accompagnatrice de personnes âgées. Et que que de la création de mode, elle ne devra pas vivre.

    Comment by anémone — 26 février 2025 @ 16:51

  2. Les gens la trouvaient un peu originale. En sourdine on racontait des histoires la concernant. Des on dits. Des paraît-il. Et d’autres vérités au conditionnel, venus de nulle part, mais qui avaient pris racine comme des mauvais herbes.

    Tout ce qu’on savait, c’est qu’elle vivait seule, qu’elle était riche et qu’elle aimait sortir parfois le soir, dans un club de jazz où elle restait des heures assise dans un coin mal éclairé, où des aventuriers de passage venaient lui dire quelques mots. En vain. Elle restait impassible et distante. Tard le soir, après deux ou trois coups de champagne et quelques airs de jazz, elle retournait chez elle. Comme elle était venue. Seule.

    On lui donnait des amants. Des riches époux assoiffés d’aventures, que viennent la rejoindre tard la nuit pour quelques moments de plaisir.
    Enfin, c’était le bruit qui courait dans le village. Des rumeurs de bouche en bouche. En vérité personne ne l’avait jamais pu constater. Seules les ‘il paraît’ et les ‘j’ai entendu’ étaient suffisants pour écrire une vérité.

    Il faut dire qu’elle avait l’allure élégante et fière de ces dames qui n’ont besoin ni du regard ni des mots des autres pour exister. Son monde lui suffisait. Sa façon de s’habiller, son parfum, lui étaient largement suffisantes. Ses mots cordiaux et avenants étaient toujours aussi élégants que son allure.

    De mes dix ans je la voyais à travers les mots que j’entendais dans le village. Pas de doute, elle était originale. Et ce n’était pas un compliment.

    Quelques années plus tard, lorsque l’enfance n’était plus qu’un lointain souvenir, j’ai croisé chez un bouquiniste un vieux journal qui parlait d’une dame qui avait perdu son riche mari lors de la guerre et, quelques mois plus tard, son fils tant aimé, d’une fièvre rare. Son allure et son élégance n’auraient servi qu’à cacher l’immense douleur qui la rongeait à chaque instant, un peu plus de l’intérieur. La tristesse aurait eu raison de son existence et elle se serait éteinte, seule, consumée par le chagrin. A la veille du printemps.

    Je ne saurais dire pourquoi mais il m’a semblé la reconnaître.

    Les gens disent un peu tout et n’importe quoi. Les gens disent ce qu’ils ne savent pas. Et personne ne s’imagine qu’on peut souffrir autant en le cachant si souvent.

    Comment by Armando — 1 mars 2025 @ 21:40

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