Lali

30 août 2009

Ombres portées 7

Filed under: À livres ouverts,Couleurs et textures — Lali @ 23:59

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C’est ce soir que nous fermerons le recueil de Mireille Ruppli-Coursange intitulé Les ombres portées de mes chimères, non sans un dernier poème, choisi par la lectrice de Gabriele Kirsch de Lima.

Regarde encore
l’horizon
dessiner ses chimères
Mirage image
le rêve
pour tes yeux seuls
esquisse
sa réalité

Regarde l’espoir
dans ce rayon de soleil
miroité par l’eau calme
prendre ses reflets
d’une certitude

Regarde ton cœur
projeté éclatant
sur ces boutons de rose

Regarde l’horizon
te promettre
demain

Miaou 24

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 23:01

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Elle vous aurait parlé de La chatte de Colette, de Pour l’amour de Finette de Remo Forlani, du chat de Gaston Lagaffe, de Félix, de Sylvestre. Peut-être même qu’elle aurait chanté deux ou trois notes du Duo des chats de Rossini. Mais ce dimanche placé sous le signe des chats se termine et la lectrice au chat de l’illustrateur Heinz Eijkenboom (dont toute trace s’est volatilisée de la toile) va bientôt aller au lit.

Puisse ce dimanche félin vous avoir fait ronronner… pour le moins!

Miaou 23

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 22:01

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À une chatte

Chatte blanche, chatte sans tache,
Je te demande, dans ces vers,
Quel secret dort dans tes yeux verts,
Quel sarcasme sous ta moustache.

Tu nous lorgnes, pensant tout bas
Que nos fronts pâles, que nos lèvres
Déteintes en de folles fièvres,
Que nos yeux creux ne valent pas

Ton museau que ton nez termine,
Rose comme un bouton de sein,
Tes oreilles dont le dessin
Couronne fièrement ta mine.

Pourquoi cette sérénité?
Aurais-tu la clé des problèmes
Qui nous font, frissonnants et blêmes,
Passer le printemps et l’été?

Devant la mort qui nous menace,
Chats et gens, ton flair, plus subtil
Que notre savoir, te dit-il
Où va la beauté qui s’efface,

Où va la pensée, où s’en vont
Les défuntes splendeurs charnelles?
Chatte, détourne tes prunelles;
J’y trouve trop de noir au fond.

(Charles Cros)

*toile de Deborah DeWit Marchant

Miaou 22

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 21:01

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Chanson du chat

Chat, chat, chat,
Chat noir, chat blanc, chat gris
Charmant chat couché
Chat, chat, chat,
N’entends-tu pas les souris
Danser à trois des entrechats
Sur le plancher?
Le bourgeois ronfle dans son lit,
De son bonnet de coton coiffé,
Et la lune regarde à la vitre.
Dansez souris, dansez jolies,
Dansez vite
En remuant vos fines queues de fées.
Dansez sans musique tout à votre aise,
À pas menus et drus,
Au clair de lune qui vient de se lever,
Courez; les sergents de la ville dans la rue
Font les cent pas sur le pavé;
Et tous les chats du vieux Paris
Dorment sur leurs chaises
Chats blancs, chats noirs ou chats gris.

(Tristan Klingsor)

*illustration de Nancy Davis

Miaou 21

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 20:01

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Le chat et l’oiseau

Un village écoute désolé
Le chant d’un oiseau blessé
C’est le seul oiseau du village
Et c’est le seul chat du village
Qui l’a à moitié dévoré
Et l’oiseau cesse de chanter
Le chat cesse de ronronner
Et de se lécher le museau
Et le village fait à l’oiseau
De merveilleuses funérailles
Et le chat qui est invité
Marche derrière le petit cercueil de paille
Où l’oiseau mort est allongé
Porté par une petite fille
Qui n’arrête pas de pleurer
Si j’avais su que cela te fasse tant de peine
Lui dit le chat
Je l’aurais mangé tout entier
Et puis je t’aurais raconté
Que je l’avais vu s’envoler
S’envoler jusqu’au bout du monde
Là-bas où c’est tellement loin
Que jamais on n’en revient
Tu aurais eu moins de chagrin
Simplement de la tristesse et des regrets

Il ne faut jamais faire les choses à moitié

(Jacques Prévert)

*illustration de Liz Conrad

Miaou 20

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 19:01

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Prrou

Quand je l’ai connue, elle gîtait dans un vieux jardin noir, oublié entre deux bâtisses neuves, étroit et long comme un tiroir. Elle ne sortait que la nuit, par peur des chiens et des hommes, et elle fouillait les poubelles. Quand il pleuvait, elle se glissait derrière la grille d’une cave, contre les vitres poudreuses du soupirail, mais la pluie gagnait tout de suite son refuge et elle serrait patiemment sous elle ses maigres pattes de chatte errante, fines et dures comme celles d’un lièvre.

Elle restait là de longues heures, levant de temps en temps les yeux vers le ciel, ou vers mon rideau soulevé. Elle n’avait pas l’air lamentable, ni effaré, car sa misère n’était pas un accident. Elle connaissait ma figure, mais elle ne mendiait pas, et je ne pouvais lire dans son regard que l’ennui d’avoir faim, d’avoir froid, d’être mouillée, l’attente résignée du soleil qui endort et guérit passagèrement les bêtes abandonnées.

Février vient, et le vieux jardin ressembla, derrière sa grille, a une cage pleine de petits fauves. Matous des caves et des combles, des fortifs et des terrains vagues, le dos en chapelet, avec des cous pelés d’échappés à la corde – matous chasseurs, sans oreilles et sans queue, rivaux terribles des rats – matous de l’épicier et de la crémière, allumés et gras, lourds, vite essoufflés, matous noirs à collier de ruban cerise, et matous à collier de perles bleues….

La bourrasque tragique et voluptueuse se calma enfin. Je revis la chatte grise, étique, décolorée, plus farouche que jamais et tressaillant à tous les bruits. Dans le rayon de soleil qui plongeait à midi au fond du jardin noir, elle traîna ses flancs enflés, de jour en jour plus lourds – jusqu’au matin humide où je la découvris, vaincue, fiévreuse, en train d’allaiter cinq chatons vivaces, nés comme elle sur la terre nue.

(Colette)

*toile de David Brooke

Miaou 19

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 18:01

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Sonnet

Mon chat, hôte sacré de ma vielle maison,
De ton dos élastique arrondis la souplesse.
Viens te pelotonner sur mes genoux et laisse
Que je passe mes mains dans ta toison.

Ferme à demi, les reins émus d’un long frisson,
Ton œil vert qui me raille et pourtant me caresse,
Ton œil vert, mêlé d’or qui, chargé de paresse,
M’observe, d’ironique et bénigne façon.

Tu n’as jamais connu, philosophe, ô vieux frère,
La fidélité sotte et bruyante du chien.
Tu m’aimes cependant, et mon cœur le sent bien.

Ton amour clairvoyant et peut-être éphémère
Me plaît, et je salue en toi, calme penseur,
Des exquises vertus : scepticisme et douceur.

(Jules Lemaître)

*toile non signée

Miaou 18

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 17:01

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Le chat

Pour ne poser qu’un doigt dessus
Le chat est bien trop grosse bête.
Sa queue rejoint sa tête,
Il tourne dans ce cercle
Et se répond à la caresse.

Mais, la nuit l’homme voit ses yeux
dont la pâleur est le seul don.
Ils sont trop gros pour qu’il les cache
Et trop lourds pour le vent perdu du rêve.

Quand le chat danse
C’est pour isoler sa prison
Et quand il pense
C’est jusqu’aux murs de ses yeux

(Paul Éluard)

*toile signée Hu Yongkai

Miaou 17

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 16:01

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Le petit chat blanc

Un petit chat blanc
qui faisait semblant
d’avoir mal aux dents
disait en miaulant :
« Souris mon amie
J’ai bien du souci
Le docteur m’a dit :
Tu seras guéri
Si entre tes dents
Tu mets un moment
Délicatement
La queue d’une souris
Très obligeamment
Souris bonne enfant
S’approcha du chat
Qui se la mangea.
Moralité :
Les bons sentiments
Ont l’inconvénient
D’amener souvent
De graves ennuis
Aux petits enfants
Comme-z-au souris.

(Claude Roy)

*toile de Nicole Wong

Miaou 16

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 15:01

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Le chat noir

Un fantôme est encor comme un lieu
où ton regard se heurte contre un son;
mais contre ce pelage noir
ton regard le plus fort est dissous :
ainsi un fou furieux, au paroxysme
de sa rage, trépigne dans le noir
et soudain, dans le capitonnage sourd
de sa cellule, cesse et s’apaise.

Tous les regards qui jamais l’atteignirent,
il semble en lui les recéler
pour en frémir, menaçant, mortifié,
et avec eux dormir.
Mais soudain, dressé vif, éveillé,
il tourne son visage dans le tien :
et tu retrouves à l’improviste
ton regard dans les boules d’ambre
jaunes de ses yeux : enclos
comme un insecte fossilisé.

(Rainer Maria Rilke)

*toile de Judy Wise

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