Les vers de Nelligan 20
Parfois, je voudrais tant qu’elles me parlent, qu’elles me disent ce qu’elles ont ressenti, mais les lectrices du soir restent muettes quand elles laissent là le recueil de Nelligan. Comme si j’allais deviner leur trouble sans qu’elles ne l’expriment à haute voix. La lectrice de William Etty comme les autres, alors qu’elle m’a tout simplement indiqué le poème à transcrire.
RYTHMES DU SOIR
Voici que le dahlia, la tulipe et les roses
Parmi les lourds bassins, les bronzes et les marbres
Des grands parcs où l’Amour folâtre sous les arbres
Chantent dans les soirs bleus; monotones et roses
Chantent dans les soirs bleus la gaîté des parterres,
Où danse un clair de lune aux pieds d’argent obliques,
Où le vent de scherzos quasi mélancoliques
Trouble le rêve lent des oiseaux solitaires,
Voici que le dahlia, la tulipe et les roses,
Et le lys cristallin épris du crépuscule,
Blêmissent tristement au soleil qui recule,
Emportant la douleur des bêtes et des choses;
Voici que le dahlia, comme un amour qui saigne,
Attend d’un clair matin les baisers frais et roses,
Et voici que le lys, la tulipe et les roses
Pleurent les souvenirs dont mon âme se baigne.