Les raisons du sommeil de la lectrice
S’est-elle endormie à force de l’attendre? La fatigue serait-elle la cause? Ou le livre de la lectrice de George Caleb Bingham était-elle si ennuyeux qu’elle s’en est lassée? Ou les trois?
S’est-elle endormie à force de l’attendre? La fatigue serait-elle la cause? Ou le livre de la lectrice de George Caleb Bingham était-elle si ennuyeux qu’elle s’en est lassée? Ou les trois?
La vie décide-t-elle de nous et de l’avenir au détour d’une phrase? Phrase d’un livre ou phrase entendue? Phrase prononcée nuit de confidences? Phrase retenue, examinée, soupesée, jaugée jusqu’à la déformer? Phrase murmurée à l’oreille comme un secret? Phrase lue au détour d’un chapitre et à laquelle on revient constamment? Phrase dite sans détour comme la plus évidente de toutes les affirmations? Phrase toute simple ou grandiose à laquelle on a donné un sens qui s’est détaché de son sens premier? Phrase. Que semble méditer la lectrice de Janet Poole.
On nous promettait hier de terribles orages. On nous les promet encore. Je prends donc mon parapluie. On ne sait jamais. Et mon apapreil photo. On ne sait jamais. Les quelques gouttes d’eau d’hier ont laissé quelques traces sur les hémérocalles de mon voisin du rez-de-chaussée. Et comme je passais par là…
Grand jour pour une grande partie des Québécois. C’est en effet aujourd’hui que débute la saison estivale pour la plupart des habitués des piscines publiques extérieures. Je ferai mon affaire de la piscine du domaine, plus petite. Pas pour y lire, comme la lectrice de Natasja Zijl, mais pour nager. Ça devrait aider mon dos et mon cou. Et me remettre en forme… Le beau temps sera-t-il au rendez-vous tous les soirs à 19 h?
Et si la lectrice de Peter McArdle fermait son livre? Et si elle écoutait quelques minutes le vol des oiseaux? Et si elle leur dessinait un trajet ou décidait d’une destination? Et si elle partait avec eux vers un ailleurs imaginaire tout droit sorti d’un livre?
Elle a ouvert le livre avec appétit. Il faut avouer que le recueil de Francis Dannemark regroupant nombre de poètes belges est appétissant avec ces pralines photographiées sur la couverture. Si bien que la lectrice de Wilson Henry Irvine n’a pas résisté. Elle a traversé Ici on parle flamand & français. Non sans laisser ouvert le livre sur un poème de Caroline Lamarche :
Chaque soir
Chaque soir depuis que j’ai décidé de ne plus t’écrire
et de brûler tes lettres dans l’évier
– la flamme était si haute que j’ai dû renoncer –
chaque soir depuis que je suis sortie dans la nuit
pour m’asseoir dans la nuit au bord de la rivière
chaque soir depuis que j’ai jeté tes lettres dans l’eau noire
couru le long de la berge pour les voir s’en aller
sauté sur le pont pour les voir reparaître
chaque soir depuis que le courant a emporté tes mots
qui ont jusqu’au dernier en cette noirceur paisible
perdu leur lumière
chaque soir depuis que j’ai regardé mes mains vides
et baigné mon visage
dans l’eau cendreuse de l’évier
chaque soir je t’écris
Chaque soir depuis que je t’écris chaque soir
chaque soir depuis que je déchire ma lettre du soir
chaque soir
je t’écris.
Je donnerais tous les paysages du monde pour celui de mon enfance. [Emil Michel Cioran]
*toile de Conrad Kickert