Quelques poèmes de Carlos 3
La mer, dans le living
La mer entre dans le living
à peine la première teinte
du jour apparue.
Elle passe par la vitre
et bientôt en sont inondés
personnes et moquettes,
fauteuils, gestes,
noms,
tableaux,
voix.
La mer tout recouvre
sans rien asphyxier.
Dans le concave marin
l’aller-et-venir réfléchit
l vie coutumière
de poissons dressés
qui observent la loi
de gens vivant chez soi.
À midi, la mer
s’installe complètement
dans les cuivres et dans la peau
des habitants.
Elle laisse épars dans l’air
un tremblement d’argent
incendié.
Dans l’après-midi, nous cinglons
la mer et nous arrêtons
dans la même onde immobile
qui, sur le bord des verres,
joint à l’alcool doré
l’amertume du sel
sans que sel il soit perçu.
Quand la nuit déclot
les pétales de l’ombre
sous la découpe somnambule
de la lune sur les eaux,
et que le sommeil se dépose
sur chaque chandelier,
cendrier, clochette,
et pli de rideau,
et que les pas s’amortissent
dans le sourd couloir,
voici que la mer se retire
devers elle-même et au loin,
à moins que ce ne soit nous qui émergions
de l’épaisseur des eaux
devenues invisibles.
La mer s’en revient,
à peinte la première teinte
apparue, du jour,
et le living, baie
avec tout son mobilier
et ses gens, immergés,
continue son balançant
être seul et vert,
solivert immense
en pure obscurité.
Carlos Drummond de Andrade, La machine du monde et autres poèmes
*choix de la lectrice de Janos Laszlo Aldor
poème envoûtant, qui avec la mer nous emporte.
Comment by Maïté/Aliénor — 3 mai 2011 @ 13:24
Superbe poème qui me ramène en Bretagne…
Comment by Denise — 3 mai 2011 @ 14:48
l’aller-et-venir réfléchit…
Je rejoins Maïté. Un poème qui me fait penser un peu à une saudade
Comment by Chantal — 3 mai 2011 @ 15:42