Lali

15 mai 2013

Pour trouver en soi le chemin des pas perdus

Filed under: À livres ouverts — Lali @ 19:28

Claude-Emmanuelle Yance s’est fait remarquer dès 1987 alors qu’elle remportait le prix Adrienne-Choquette avec Mourir comme un chat, un recueil de nouvelles sensible et intelligent où le thème de la mort était déjà abordé. La mort est un coucher de soleil, qui paraît un quart de siècle plus tard, est en quelque sort le prolongement de ce que l’auteure avait tracé dans les grandes lignes sans s’attarder aux détails, lesquels forment l’ossature de son premier roman.

La mort est un coucher de soleil s’adresse à Alexis, technicien informatique de la narratrice, qu’elle connaissait très peu, même si la relation d’affaires qui les unissait dépassait le cadre de celle-ci. Il parlait parfois de lui, de sa femme qui souffrait d’allergies. Une fois, peut-être deux, ses enfants l’accompagnaient. Mais Alexis ne viendra plus. Alexis s’est donné la mort.

Le suicide de cet homme d’une quarantaine d’années la bouleverse au-delà du raisonnable. À un point tel qu’elle aura besoin de parler de lui à quelqu’un pour comprendre ce qui l’a poussé à faire ce geste. La mère d’Alexis acceptera de la rencontrer et finira par lui confier le sac qu’il traînait partout avec lui, car pas plus son épouse qu’elle-même ne se sentent le courage de l’ouvrir. S’y trouve un carnet où Alexis a inscrit ses doutes, ses questions, ses rêves. Sa mort n’est pas un hasard; c’est un acte réfléchi, mûri au fil des ans, devenu l’unique choix, même s’il manquait à Alexis des éléments clés sur ses racines.

La mort d’Alexis sera suivie par celle d’Alice, qui vivait dans la même résidence que le père de la narratrice. Comme Alexis, elle a choisi l’heure de sa mort. Elle l’avait même écrite à la fin du cahier qui a été prêté à la narratrice par une amie d’Alice parce qu’il lui a semblé qu’elle était la personne toute désignée pour le lire.

L’intérêt que porte la narratrice à ces deux morts a quelque chose de troublant pour le lecteur, encore plus quand celle-ci tente de les exorciser comme s’il lui était vital de le faire. Les raisons qui nous seront dévoilées à la toute fin dépassent tout ce que nous avons pu imaginer et ouvrent à une réflexion qui transgresse l’histoire. Quel rapport chacun de nous entretient-il avec la mort et jusqu’à quel point désirons-nous choisir l’heure de la nôtre?

La mort est un sujet grave. Claude-Emmanuelle Yance, en faisant s’exprimer trois voix distinctes sur le sujet, ne l’adoucit pas, mais elle lui apporte la lumière du soleil couchant. Une lumière qui conserve à certains détails des zones d’ombre tout en nimbant le reste de couleurs qui retirent à la mort sa froideur.

« Pourtant, qu’y a-t-il de plus important que le mystère que chacun transporte en soi à travers les jours et les nuits de sa courte vie? » écrit la narratrice à Alexis alors qu’elle ne sait rien encore de sa motivation ni du geste d’Alexis.

C’est le livre fermé qu’on comprendra qu’il était question d’elle. Et de chacun de nous.

Titre pour le Défi Premier Roman

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Un commentaire »

  1. Bel article sur un beau livre, on le sent.

    Comment by Anne — 16 mai 2013 @ 15:41

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