En vos mots 934

Choisir la toile ou l’illustration de la semaine pour que vous la racontiez en vos mots n’est jamais facile. Cela veut dire privilégier une scène plutôt qu’une autre, en écarter beaucoup, en mettre de côté pour un autre dimanche. Puis, parfois, une toile s’impose. C’est le cas de celle-ci, du peintre suisse Jacques-Laurent Agasse.
Dès que je l’ai découverte en me promenant d’un site à l’autre, j’ai su qu’elle était pour vous. Elle vous appartient donc pour la prochaine semaine. Faites-la vivre à votre manière. Créez des personnages. Ou glissez-vous dans le tableau afin de discuter avec le jeune lecteur qui y figure.
Comme aucun commentaire ne sera validé avant dimanche prochain, vous avez plus que le temps d’écrire quelques lignes, et de lire les textes déposés sur la scène livresque de dimanche dernier. C’est avec plaisir que nous vous lirons.
D’ici là, bon dimanche et bonne semaine à tous les envosmotistes et à celles et ceux qui les lisent.
À cette époque, le temps s’épuisait, laissant la trace de l’odeur de chaque saison. Septembre arrivant, on s’en allait, heureux, cueillir des reinettes dans un verger à l’abandon. Leonor, veuve depuis longtemps, faisait de savoureuses tartes qu’elle nous donnait à goûter, l’après-midi, avec un jus de citron à peine sucré. Quel festin pour l’enfant que j’étais.
Mon père rentrait, à l’heure dite « entre chien et loup », abruti par l’alcool et la cigarette. Avec lui arrivaient les réprimandes à haute voix : « T’as pas mieux à faire que de passer ton temps le nez dans tes livres? » Et la gifle, comme point final. Leonor qui lui disait : « Laisse le petit tranquille… c’est un brave gosse!… »
Certains jours, il lui arrivait d’apaiser sa colère au moyen d’un livre qu’il lançait au feu, en ricanant : « Ça servira à raviver les braises… » Mes larmes étaient si inutiles à son cœur intouchable et colérique.
Heureusement le temps passe. On grandit. On s’éloigne un peu. Chaque jour un peu plus. D’abord, une fois par semaine, puis par mois, puis de temps en temps. De toute manière, on a tellement peu de choses à se dire.
Puis, un jour il vient ce jour où l’on n’y pense plus. On se persuade que tout s’oublie. On s’en va. Pour toujours. Sans se retourner. On tire un trait sur tout cela en se disant que ce qu’on trouvera ailleurs ne pourra qu’être plus beau que tout ce qu’on laisse.
On fait son deuil comme on dit. Avant l’heure. Et souvenirs dans un sommeil profond. Jusqu’au jour, où, au détour d’une promenade au marché aux puces, on croise Le secret de Maître Corneille, et on s’égare au plus profond de l’enfance, jusqu’à croire entendre le bruit des ailes d’un moulin qui tournent… qui tournent… dans vos souvenirs, jusqu’à ce que le souvenir douloureux d’une voix, abrutie par l’alcool et la cigarette, vous arrache à cette parenthèse heureuse.
On aura beau dire, mais les plaies de l’enfance ne guérissent jamais.
Comment by Armando — 19 mars 2025 @ 7:35
Pourquoi donc apprendre à lire? Cela est bien difficile, avec tous ces signes qui se ressemblent, et certaines lettres qu’on ne prononce pas. A quoi cela va-t-il pouvoir servir? Papa n’a pas l’air très heureux quand il se penche sur ses livres, ses livres de comptes. Et quand ils feuillettent le journal, les parents n’ont pas non plus la mine très réjouie. Il faut bien se tenir au courant des nouvelles du monde, soupirent-ils. Mais les nouvelles semblent rarement agréables.
Faut-il savoir lire pour courir sur les sentiers, pour jouer aux billes, pour s’amuser aux cartes comme le font les adultes de la famille? Quant au chat, cela ne l’intéresse pas du tout, la lecture! Et il n’en semble pas plus malheureux, bien au contraire. Suivons son exemple! Mais je n’ai pas envie d’être puni de ne pas connaître ma leçon. Alors, faisons un petit effort!
Comment by anémone — 20 mars 2025 @ 14:16