En vos mots 917
Du thé et un livre. C’est tout ce dont avait besoin la lectrice peinte par Bertha Wegmann pour être heureuse. Est-ce la même chose pour vous? C’est ce que nous saurons dimanche prochain lorsque vos commentaires seront validés, et pas avant.
Vous avez donc amplement le temps de lire les textes déposés sur la scène livresque de la semaine dernière, et même de les commenter si vous le souhaitez, en plus d’écrire quelques lignes.
D’ici là, bon dimanche et bonne semaine à tous les envosmotistes et à celles et ceux qui les lisent.
Le matin au réveil, la déranger comporte des risques dont on pourrait ne pas bien mesurer les conséquences. Jeanne a le caractère doux par nature, mais qui se risquerait à perturber son rituel matinal serait plutôt très mal reçu, il vaut mieux le savoir.
Selon l’humeur du jour, elle se prépare un thé ou un café. Et elle s’installe à sa table, en pyjama ou en nuisette, en compagnie de son livre préféré du moment. Un crayon à la main bien sûr. Car toujours elle annote des passages, des mots, des phrases, qu’elle a envie de pouvoir relire, savourer, partager, auxquels elle souhaite réfléchir ultérieurement.
Elle a tendance à dévorer, et à relire ensuite. C’est pour cela qu’elle n’aime pas les livres de bibliothèque, qu’il faut laisser vierges de tout soulignage ou commentaire.
Parfois d’ailleurs, le compagnon du matin est un livre déjà lu, dont elle relit les annotations. Elle le retrouve comme un vieil ami qu’on rencontre après un temps trop long d’absence, mais jamais d’oubli. Elle ne se souvient plus parfois de certaines réflexions, de certains détails, qu’elle redécouvre chaque fois avec un étonnement joyeux. Mais l’ambiance, elle la retrouve toujours intacte. Comme dans une conversation avec un proche, qui possède sa coloration spéciale, son parfum bien particulier.
Ces matinées bénies, un autre être cependant les partage, hormis le livre aimé. C’est Aubade, la chienne, toujours fidèle a ses pieds. L’hiver, allongée confortablement sur une couverture. Et l’été, caressant délicieusement de son poil doux les jambes nues de Jeanne sous la table.
Comment by anémone — 21 novembre 2024 @ 7:47
Lisboa, 24 novembre 2024
Ma chère B.,
Aujourd’hui les mots ne me viennent pas. Il y a des jours comme ça. J’ai quelques pensées. Je perçois des images. Mais pas de mots. Rien. Le vide.
Je regarde la page blanche. Si blanche. Et l’esquisse de mes mots ne trouve pas le chemin de l’encre. Ni bleu. Ni violette. Ni noire. Aucune autre couleur que le blanc.
Aussi blanc que nos enfances perdues. Vides d’anniversaires et sans Noëls. Aucune fée ne veillait sur mes rêves, pas de princesses à conquérir. Pas de chimères ni de rêveries. Une enfance sans rêves. Quel oxymore.
Faut dire que l’enfance n’est que plus douloureuse après 50 ans, quand l’âge nous gazouille l’inclinaison descendante de la vie. Elle devient insupportable quand les souvenirs heureux des autres deviennent les seuls que nous pouvons partager. Puisque les nôtres sont aussi vides que ma page blanche. Dépouillée du moindre mot, du moindre rire, porteuse d’aucun souvenir heureux.
Aujourd’hui, je n’ai pas de mots à t’offrir. Et pourtant. Je voudrais te raconter tant et tant de choses. Remplir le creux de ma vie d’un regard affectueux et bienveillant pour l’autre. Par peur du vide, sans doute.
Aujourd’hui je ne t’ écrirai rien. Aujourd’hui je regarderai la page blanche et j’ai envie de m’asseoir à tes côtés. Besoin de prendre ta main. Exaucer le rêve d’un sourire. Voir briller tes yeux. Et apaiser mon cœur dans les reflets blancs d’un croissant de lune tanguant joyeusement dans les eaux du Tage. Et rester ainsi. L’un à côté de l’autre. Comme au temps peureux de nos enfances. Sans un mot. Nos silences, mélangés au battement de nos cœurs.
Aujourd’hui je regarde ma page blanche. Il me semble entendre dans un coin de ma tête Reggiani chanter Ma solitude. Je ferme les yeux. Pour ne pas pleurer, sûrement. Épuisé par ma page blanche.
Je t’embrasse.
Armando
Comment by Armando — 23 novembre 2024 @ 10:17