Lali

14 juillet 2008

Le jour où j’ai rencontré Christopher Frank

Filed under: Couleurs et textures,Mes rencontres littéraires — Lali @ 20:01

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Il tournait alors le téléfilm Adieu Christine à un coin de rue de là, dans le 7e arrondissement. Et il m’avait donné rendez-vous au téléphone la veille pour le petit déjeuner dans ce café fréquenté par son équipe. Allait paraître à l’automne Je ferai comme si je n’étais là et il avait accepté d’en parler avec moi qui faisais mes premières armes en tant que chroniqueuse littéraire pour Elle Québec.

Oui, nous avons parlé du livre. Et puis d’écriture. Et de Paris, sa ville d’adoption. Et le temps a filé. Le temps d’un café, de deux croissants. Le cinéma l’attendait. Et moi, j’ai marché dans Paris. Je venais de rencontrer Christopher Frank, un amoureux de la vie que la mort a fauché trop tôt. Un homme qui écoutait les autres. Vraiment. Pas du bout des yeux. Et qui m’a fait la bise avant de retourner sur le plateau. Et moi, j’ai marché dans Paris.

*toile d’Édouard-Léon Cortès

24 juin 2008

Le bureau du poète

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Je suis entrée dans la pièce sur la pointe des pieds. Avec respect. Avec bonheur. Les écrivains ne laissent pas tout le monde entrer dans leur pièce, dans le lieu d’écriture et de réflexion qui est le leur, dans leur monde. Je suis entrée sur la pointe des pieds. Je ne pouvais faire autrement, de toute manière. Il y avait des livres partout, sur les étagères, sur le bureau, en piles par terre, comme dans la toile d’Ephraim Rubenstein.

Fernand Ouellette et moi allions nous asseoir au salon pour une longue entrevue, nous allions parler de poésie, de la passion d’écrire. Mais il avait tenu à ce que j’entre dans son bureau. Cadeau immense qu’il m’a fait là. Moment dont je me rappellerai toujours. Cet antre, cette caverne aux trésors, ces piles qui n’en finissaient pas, ce n’était pour moi que bonheur. Livres qu’il lisait, recherches en cours, pages d’écriture, ce n’était pour moi que bonheur.

Celui a qui on a décerné hier le Grand Prix international de poésie de langue française Léopold Sédar Senghor fait partie de ces poètes incontournables de la littérature de chez nous. Il fait aussi partie de ces hommes pour qui le mot humanité a un sens et qui laissent à ceux qui le rencontrent un souvenir impérissable.

Et curieusement, quelques années après cette rencontre, il me semble que si nous nous retrouvions à nouveau, il sortirait des biscuits et deux grands verres de lait, pour prolonger la conversation, comme il l’avait fait, alors que le réalisateur et les caméramen étaient partis.

Et peut-être me lirait-il un extrait de Présence du large :

En traçant mon désir
Sur la rivière,
Tout était lisse d’ombreux…
Le souffle conviait
La fraîcheur des reflets.
S’exposait pour le regard
Une grande image
De bonheur, une résistance à la nuit
Lointaine et si proche.

9 mai 2008

Marie

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C’est à Denise D.C. que je dois ces heures passées en compagnie de Marie Uguay. Parce qu’un jour de 1979 alors que je lui avais apporté quelques poèmes publiés quand j’avais quinze ans et d’autres plus récents, elle m’avait parlé de celle qui avait aussi été son élève. De celle dont elle conservait un souvenir d’une telle beauté que ses yeux se mouillaient en parlant d’elle. Avec fierté. Parce que je crois qu’elle l’avait un peu encouragée même si elle n’en a rien dit.

C’était l’automne. L’automne de 1979. Marie était toujours vivante. Elle venait de publier et je marchais dans les corridors où elle avait marché. Quelques feuilles volantes dans mes cahiers de chimie et de physique laissaient prévoir que je préfererais la poésie aux formules et aux équations savantes. J’étais séduite par Marie.

Deux ans plus tard, la mort a fauché celle qui m’inspirait, au même titre qu’Anne Hébert. Et une dizaine d’années plus tard, je la faisais découvrir à mes étudiantes dans un atelier d’orthographe.

Et toujours, elle me suivait. J’avais beau découvrir des poètes, je revenais toujours à elle.

Plus tard, j’ai eu sa mère comme cliente à la libraire. On n’a pas les mots de circonstance quand il le faut. Je crois que j’ai quand même été en mesure de lui dire à quel point sa fille avait été et sera toujours importante pour moi. Je crois. Je ne suis pas certaine. Ma vue était brouillée par l’émotion.

Récemment, par hasard, un ami a découvert Marie. Coup de foudre.

Et je me suis replongée dans ses livres. Des livres qui n’existent plus mais qui ont été rassemblés dans ce livre. Un livre que je lui offrirai.

Et si jamais quelqu’un sur le sol européen le cherchait, je sais qu’on peut le trouver .

10 avril 2008

Aux confins de soi-même

Filed under: Couleurs et textures,Mes rencontres littéraires — Lali @ 23:12

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« Un amour est un voyage aux confins de soi-même » a écrit Hélène Ouvrard. A-t-elle répété cette phrase ce jour de mai 1983 alors que nous prenions le thé sous les combles dans l’appartement qu’elle occupait rue du Faubourg Saint-Denis? Il me semble, mais je n’en suis pas certaine.

Nous avons parlé de tant de choses. De ce sur quoi elle travaillait, de la pièce que j’étais en train d’écrire, de l’amie commune qui nous avait réunies le temps de petits fours et d’une tasse de thé, de l’amour (parce que comment ne pas en parler alors que c’est le thème chéri de tous les écrivains), de peinture, de Paris où elle vivait temporairement.

Souvenirs fugaces de celle qui n’est plus et qui m’a accueillie chez elle en toute simplicité. Elle, si passionnée, qui aimait tant la peinture qu’elle aurait – je crois – apprécié que je pose sa citation sur cette toile d’Eva Reichl. Une citation magnifique. Et qui, pour le peu que je sache d’elle, par ses romans, par ses poèmes, par cette unique rencontre, vivait cette phrase et en avait fait son leitmotiv.

29 mars 2008

Le bonheur selon Hélène Rioux

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Je ne sais plus à quel moment nous nous sommes rencontrées. Il me semble que c’était à un lancement, mais je peux me tromper. Hélène Rioux fait partie de ma vie depuis si longtemps qu’il me semble parfois qu’elle a toujours été là. Je vous ai d’ailleurs parlé un jour de ses Dialogues intimes. Et je vous parlerai sûrement de Mercredi soir au bout du monde.

Mais aujourd’hui, je raconterai plutôt une scène. Celle d’une longue entrevue que nous avions réalisée chez elle il y a tellement d’années que je n’ose pas les compter. Élise était encore une petite fille et non pas cette belle jeune femme qu’elle est aujourd’hui et la scène peinte par Ingeburg Borowski n’est pas sans me rappeler la complicité qui les unissait.

Le réalisateur nous avait installées dans un face à face confortable. Et parce qu’il sentait les choses et qu’il aimait vraiment les enfants, il avait laissé Élise s’installer sur le sofa tout à côté pour ne rien rater de l’émission de télé qui se filmait dans son intérieur.

Je me rappelle les yeux d’Hélène quand elle parlait de l’Espagne, des olives, de Jim Morrison. Mais encore plus comme ils jetaient mille feux heureux quand elle parlait d’écriture, de son parcours. Et plus encore quand son regard se posait sur le sofa où une princesse avait fini par s’endormir même si elle avait cru être en mesure de tenir bon. C’était sans compter la mise au point des éclairages, les tests de voix, les meubles qu’on déplace pour que les caméras puissent bouger.

Je me rappelle tout cela et bien d’autres moments. Nos nombreux soupers. Un roman que j’ai lu avant qu’il ne paraisse. Les petits-enfants que lui a donné Mitia, son fils. Et ses nombreux retards. Pas étonnant qu’elle ait dirigé un numéro de XYZ. La revue de la nouvelle sous le thème « Retards ». Pas étonnant non plus qu’elle m’ait demandé de préparer ce numéro avec elle, avec cette complicité et cette amitié qui sont les nôtres, même si nous nous voyons trop peu. Bien trop peu. Et si la ponctualité n’est pas un trait de sa personnalité, il est une chose sur laquelle Hélène n’est jamais en retard, et c’est le bonheur.

« Le bonheur, me direz-vous, ce bonheur de tous les jours, de tous les instants, il est là, il est latent, il faut savoir, vouloir le trouver dans les gestes les plus petits, sourires, chansons dans la rue, air de flûtemélancoliquement joué, rayon de soleil furtif, arc-en-ciel, clair de lune sur le lac bleu, gestes aussi posés tous les jours, empreints d’une richesse insoupçonnable, savoir le prendre, ne pas demander une vie d’aventure, une vie d’anarchiste, la vie, merveille sans cesse renouvelée, savoir en prendre conscience, les enfants, les saisons, les paysages flous, le brouillard, le ressac, la brise et le soleil, pourquoi toujours chercher l’inaccessible – insatisfaction chronique -, le bonheur est à la portée de la main, me direz-vous, savoir le prendre, le toucher, l’avaler, aucun prétexte même à la tristesse. » (in Un sens à ma vie)

Mes rencontres littéraires

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*toile de Gustave Caillebotte

J’ai eu pendant presque dix ans la chance et le privilège de rencontrer des écrivains, parce que j’animais une émission sur la littérature québécoise à la télévision communutaire. Expérience qui m’a menée à la radio de Radio-Canada, à une collaboration à divers titres à certains périodiques et à de multiples expériences connexes.

Et voilà longtemps que je cherchais une manière d’en parler sans que cela ne donne l’impression que je veux jeter de la poudre aux yeux. Car ce n’est pas mon intention. Mais vraiment pas. Puisqu’il s’agit ici de deux choses. De faire découvrir quelques auteurs de chez moi, il va sans dire. Mais également de raconter en toute simplicité quelques moments uniques passés avec eux en studio, dans leur intimité ou dans un lieu qui faisait sens pour eux.

Mais je n’avais pas encore trouvé le fil conducteur. Cette manière d’amener les choses et de continuer à raconter des histoires. Jusqu’à hier soir.

C’était tout simple. Et c’est un livre qui m’a donné l’idée. Un livre dans lequel je suis restée plongée longtemps : le Dictionnaire des citations québécoises de Gilbert Forest. C’est donc à partir de ce dictionnaire que m’est venue la manière de parler des écrivains, de mes rencontres. De ces moments intimes. Chacun de ces billets relatant mes rencontres littéraires sera assorti d’une citation plus ou moins longue tirée d’un livre d’un auteur québécois.

Et quand j’aurai fait le tour de ces rencontres avec des écrivains québécois, ou avant, peut-être irai-je jusqu’à raconter d’autres rencontres, comme une conversation avec Benoîte Groult dans un avion, un petit déjeuner à Paris avec Christopher Frank, un diner avec Mary Higgins Clark, ces mois où j’ai travaillé pour Yves Navarre ou un repas avec le bédéiste Greg.

Juste pour partager. Un peu plus.

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