Lali

18 janvier 2012

Le refuseur

Filed under: À livres ouverts,Mes lectures belges — Lali @ 19:13

Qui a un jour cru qu’être lecteur pour une maison d’édition réputée était un beau métier, valorisant pour le lecteur autant que pour le jeune écrivain qu’il s’appliquera à sortir de l’ombre n’a jamais rencontré Antoine Aimé.

Antoine exerce le noble métier de lecteur aux yeux de tout un chacun, mais en vérité il ne lit les manuscrits qu’en diagonale, avec pour seule et unique directive de refuser tout roman qui passe entre ses mains. Avec tact, bien entendu. Il a d’ailleurs toute une liste de lettres préformatées sous la main, dont il se sert sans faire de cas de conscience. Il doit refuser, il refuse. Du matin au soir. Depuis des années.

Or, un jour, rien ne va plus. Antoine est convoqué chez le patron. Un jeune auteur se serait suicidé à la suite d’une lettre de refus un peu trop sèche écrite par Antoine, qui change alors son fusil d’épaule et décide d’accepter tout manuscrit atterrissant sur son bureau, ce qui ne plait pas plus à la direction qui décide de se débarrasser d’un de ses plus anciens collaborateurs.

Mais Antoine n’en a pas fini avec l’édition ni avec les auteurs à qui il a promis une publication. C’est donc d’eux qu’il va s’occuper après son licenciement. À sa manière. Avec son savoir-faire. Ses talents pour convaincre. Avec quelque chose de surréaliste.

Le métier de refuseur n’existe pas, à proprement parler, mais il n’en reste pas moins que certains lecteurs sont des refuseurs. En effet, « …il existe une véritable industrie du refus de manuscrits. Ce qui m’a donné envie d’écrire sur ce métier, cette profession de refuseur que, sans le vouloir, j’ai côtoyée pendant près d’un quart de siècle. Plutôt que de romancer ma quête d’un éditeur, j’ai choisi d’endosser le rôle de la partie adverse. Je me suis institué lecteur et refuseur, et j’ai laissé le fil de l’histoire que j’avais lancé courir sur son erre », a écrit le journaliste Michel Lauwers à propos de son premier roman enfin publié après des centaines de refus de la part des éditeurs.

Un roman qui se démarque. Un roman qui fait sourire. Dont on retiendra certains épisodes plutôt que la chute beaucoup moins réussie que le reste.

Lu dans le cadre du Challenge « Littérature belge ».

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Titre pour le Défi Premier Roman
et pour le Challenge « Le nez dans les livres »

3 commentaires »

  1. Tiens, tiens, tiens, un Belge !! Mais apparemment on peut passer son tour… merci pour ma PAL !

    Comment by Anne — 19 janvier 2012 @ 6:21

  2. L’édition belge s’y connaît, en refus. Exemple, mauvais exemple, s’il en fût, la poésie. La poésie est envoyée tout de suite au pilon, bonne ou mauvaise, car évidemment, ce n’est pas rentable. Ce qui n’empêche pas les éditeurs de publier des poèmes de leur écurie d’auteurs, poèmes que personne ne lira jamais, bien entendu, sauf ceux qui se sont faits piéger lors des séances de présentation de livres… S’ils en ont les moyens. L’essai -sur commande- se publie déjà mieux, quant au roman, au vu de ce qui se publie et qui est parfois de bien piètre qualité (minceur du propos, pauvreté de l’écriture), je me demande quelle est la qualité de ce qui est rejeté… Ce doit être plaisant à lire comme livre, mais le livre est déjà si cher ! Dernière alternative… La bibliothèque publique et il faut longtemps attendre les sorties de livres récents – et encore, pas tous !

    Comment by Pivoine — 19 janvier 2012 @ 6:25

  3. Bonjour Lali,

    Intéressante analyse du « refuseur ». Je me demande toutefois si la fin du roman n’est pas mal comprise. Ce que j’ai voulu faire entrevoir dans le dernier chapitre (la « chute »), c’est que si tout le monde se pique d’écrire et que plus grand monde n’édite, plus grand monde ne lit non plus. On fait semblant de lire ou on lit en zappant. Résultat, les vrais lecteurs disparaissent peu à peu, leur population décroît, de sorte qu’il n’est plus nécessaire d’éditer des livres, qu’il suffit désormais de faire semblant de les éditer. Ce que se propose de faire Antoine, et ce qui renvoie au début du bouquin et à la citation de JL Borges (Quain). Une fin paradoxale, en somme, plutôt qu’une happy end classique (succès éditorial) ou qu’une fin tragique (faillite, divorce, procès, suicide, que sais-je?).
    Bien à vous,

    Michel Lauwers

    Comment by Michel Lauwers — 20 janvier 2012 @ 11:09

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