Lali

20 mai 2012

En vos mots 267

Filed under: Couleurs et textures,En vos mots — Lali @ 8:00

Le personnage imaginé par le peintre allemand Carl Spitzweg semble davantage préoccupé par un de ses cactus à la triste mine que par les montagnes de livres et de paperasse qui jonchent son bureau. Mais qu’en est-il vraiment?

À vous de vous laisser inspirer par la scène de ce dimanche, d’imaginer un passé ou un futur au personnage, de nous raconter en vos mots une histoire que nous lirons dans une semaine, et pas avant, alors que seront validés en bloc tous les commentaires déposés.

D’ici là, bon dimanche et bonne semaine à tous!

5 commentaires »

  1. La vie était ailleurs que dans les livres.
    C’est ce qu’il se disait en contemplant soudain ses cactus, qu’il regardait d’habitude d’un oeil distrait.
    Il avait abandonné sa lecture pour marcher un peu dans la pièce et réfléchir comme à l »accoutumée.
    Et subitement il était tombé en arrêt. Le plus gros, là, ne pouvait pas être devenu tout à coup si volumineux?
    L’avait-il mal observé auparavant? Les autres aussi semblaient avoir changé. Plus arrondis, plus fournis. Plus présents. Etait-ce possible? Depuis combien de temps ne s’était-il plus préoccupé de leur existence?
    « Prends des cactus », lui avait dit sa soeur. « Un appartement sans plantes c’est si triste! Mais tu oublieras de les arroser. Alors prends des cactus. Tu pourras te permettre de les négliger sans qu’ils en souffrent trop cruellement ». Il avait suivi son conseil. A la lettre. Pour un féru de livres, quoi de plus normal.
    Il s’était procuré des cactus. Puis ne s’en était plus occupé.
    Mais là, il était sidéré. Malgré son manque d’attention, ils avaient poussé. Et voilà que maintenant, ils lui demandaient même de l’eau! Allons! Quelle pensée incongrue venait-elle de se former dans son cerveau? Des cactus qui parlent et lui demandent quelque chose? Mais il les entendait presque distinctement. Il était devenu sensible en tout cas à une sorte de vibration qui émanait d’eux. C’était comme si son corps entier était devenu une oreille qui pouvait capter ce qu’ils lui communiquaient. Il avait même l’impression qu’ils devisaient entre eux. Alors, marchant à reculons sans pouvoir détacher les yeux de leurs silhouettes et de leurs bavardages, il se dirigea vers l’évier dans le but de leur donner à boire.

    Comment by Anémone — 20 mai 2012 @ 9:59

  2. AVOIR DU PIQUANT

    Un cactophile à sa fenêtre
    Surveille une fleur qui vient de naître.
    Un des cactus, ce mal aimé
    A pris racine en terre séchée.
    Un bouton pousse dans ses épines
    Comme une rose à la peau fine.
    Ce sont les beaux jours du printemps
    Qui lui apportent du piquant!

    Comment by Armèle Labelle — 21 mai 2012 @ 8:36

  3. Je n’ai plus la raison précise de ma punition. Une bêtise, sans doute. Comme d’habitude.

    Privé de récréation, assis au fond de la classe, je consommais le temps de ma punition à faire semblant de m’attarder sur mes devoirs alors que je ne faisais qu’observer la mimique de ce vieux professeur d’histoire si austère et si sévère la plupart du temps, oubliant sans doute qu’il n’était pas seul, qu’il s’était livré à des murmures tendres sur mes camarades qui jouaient dehors.

    C’était des mots épars qui s’envolaient dans la salle vide :

    « Vas-y, n’aie pas peur de tomber… tu vas y arriver… allez recommence. Sèche tes larmes et recommence. C’est ça… Regarde droit devant… c’est mieux… équilibre-toi… tu vas réussir… tu vois… tu y arrives… Bravo ma petite fille… Tu es courageuse!… Je suis fier de toi… »

    J’entendais des bravos venant de la cour se mélanger aux mots tendres dont j’avais jusqu’à lors méprisé l’existence.

    La sonnette a annoncé la fin de la recré. La salle s’est remplie rapidement. Mathilde, heureuse, a murmuré à mon oreille : « Je suis déjà capable de rouler à vélo… » et a aussitôt été interrompre d’un « Silence!… Je veux le silence!… »

    C’est alors, en me fixant, qu’il a eu l’air de revenir à lui et qu’il s’est souvenu de moi. Et il m’a offert un clin d’œil…

    Comment by Armando — 26 mai 2012 @ 10:06

  4. Bureau des écritures.
    Monsieur Lebranchu est employé aux écritures dans l’étude de Maître Dubedoux depuis plus de vingt ans. On ne travaille pas aussi longtemps au même poste, dans le même endroit sans que ne se créent de petites habitudes.

    Ainsi, Monsieur Lebranchu arrive-t-il tous les matins à sept heures trente précises, soit une bonne demi-heure avant tout le personnel de l’étude. Il se met au travail aussitôt, ne levant la tête que pour saluer ses collègues, d’un bref hochement de tête lorsqu’ils franchissent à leur tour le seuil de l’étude à huit heures.

    Mais en contrepartie, Monsieur Lebranchu fait une pause à dix heures trente. Il se dégourdit tout d’abord les jambes en faisant quelques allers-retours entre son bureau et la fenêtre la plus proche puis se poste près de celle-ci afin de regarder la rue et d’y guetter le passage de Mademoiselle Angèle, employée à la blanchisserie d’en face. Dix heures trente est l’heure où elle sort pour livrer un linge bien propre et repassé à la clientèle bourgeoise du quartier.

    Mais depuis une semaine, les habitudes de Monsieur Lebranchu sont perturbées. Madame Dubedoux, qui n’avait jamais mis les pieds à l’étude auparavant, y a fait il y a quinze jours une visite inopinée à son époux et a trouvé que celle-ci manquait de décoration. Elle a donc fait livrer quelques plantes qui ornent désormais l’entrée et le bureau de Maître Dubedoux.

    Pour les fenêtres du bureau des écritures, elle a demandé quelque chose de robuste et nécessitant peu d’entretien. On lui a proposé des cactus qu’elle a aussitôt fait installer sur le rebord des deux fenêtres. Leurs piquants tiennent désormais Monsieur Lebranchu à une distance respectable, le privant ainsi de sa contemplation quotidienne. Il s’en trouve donc réduit à surveiller l’état de santé de ces maudites plantes espérant sans rien dire que celles-ci vont péricliter. Enfin, pas toutes, peut-être… Mais quelques-unes… Au moins cette grande là qui donne des signes de faiblesses…

    Le regard faussement apitoyé mais plein d’espoir, Monsieur Lebranchu accompagne la plante dans sa décrépitude d’un geste de la tête éloquent, sous l’œil amusé de ses collègues. Il lui vient des idées criminelles. Il se dit que demain, de bonne heure, muni d’une solide paire de gants, il pourrait d’une bonne pichenette, précipiter la chute de l’embarrassante épineuse. Puis il sursaute, effaré qu’il puisse lui venir de si mauvaises pensées et après un regard furtif et honteux en direction de ses collègues, il se remet rapidement au travail.

    Comment by Mamido — 26 mai 2012 @ 13:06

  5. Bientôt l’horloge sonnerait onze heures moins le quart, le soleil de ce joli mois de juin était déjà haut dans le ciel, et ils n’étaient toujours pas là…
    Wilhelminus, sa redingote bien boutonnée, les mains dans le dos, le buste légèrement penché sur le côté, regardait pour la millième fois par la fenêtre.
    La millième et sans doute la dernière.
    Tous ses livres, tous ses papiers, toutes ses notes, toute sa science se trouvait là, bien emballée et disposée en gros tas sur l’estrade.
    Il ne se pencherait plus sur les travaux de ses étudiants. Il ne leur démontrerait plus à grandes envolées lyriques comment va l’univers, la terre et les planètes.
    Pour la dernière fois dans cette salle où il avait passé plus de trente ans de sa vie, il ne s’inquiétait que d’une chose: emporterait-il ses cactées ou les laisserait-il à son successeur?

    Comment by Adrienne — 27 mai 2012 @ 3:02

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