Lali

23 novembre 2009

Le récit de l’innommable

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Ah c’est vous. Ce sont les mots qui sont venus aux lèvres d’Ana Carla Longhi. Les seuls mots possibles pour cette histoire entre elle et le narrateur-écrivain. Ah c’est vous. Parce que c’est lui, enfin. Lui qui la délivrera d’elle-même. Lui à qui elle pourra dire l’innommable pour que s’écrive ce passé qui la hante. Lui.

Lui. Qu’elle n’attendait pas et qui est venu. Qui a toujours été là. De rendez-vous en rendez-vous jusqu’à l’ultime. Lui. Qui était là quand elle s’est évanouie devant un tableau de Schiele à Vienne.

Récit intimiste et intime, L’enlacement raconte une femme, une rencontre, un amour. Improbables. Mais les rencontres qui bouleversent une vie et font des vagues dans l’eau étale, ne sont-elles pas toutes improbables?

François Emmanuel signe ici une fois de plus un livre marquant, tant par son écriture que par le regard qu’il pose sur l’âme humaine.

27 octobre 2009

Des contes cyniques, pour qui aime le genre

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Je n’avais pas lu Jacques Sternberg depuis un moment. Et pourtant, ses Histoires à dormir sans vous ne sont jamais bien loin, si bien qu’il m’arrive régulièrement d’ouvrir ce livre pour parcourir une nouvelle, n’importe laquelle. Pour ce bonheur de l’économie de mots, pour ce regard cynique sur la vie, sur la mort, sur les femmes, qui est le sien. Ce regard que j’ai retrouvé dans Contes griffus.

Rarement tendre dans le sens propre du mot, Sternberg met en scène des écrivains, des hommes aimant la mer, des hommes volages, des femmes de rêve, Dieu, le destin, le jazz, l’amour, la mort, dans des nouvelles qui tiennent en quatre lignes ou le plus souvent en une page ou deux. Ainsi, celle-ci :

L’apparence

Il avait une telle crainte de paraître vraiment son âge devant cette si jeune femme qui l’acceptait dans sa vie, qu’il ressentait le besoin de se raser de frais quand il lui téléphonait.

On n’aime ou n’aime pas Sternberg, il en est ainsi. Avertissement tout de même : âmes sensibles s’abstenir.

13 octobre 2009

Mensonges, subterfuges et dissimulations

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Rarement roman (qui sera diffusé en téléfilm en fin d’année, ai-je appris en me promenant dans la toile) a-t-il mieux porté son titre. Car il s’agit, oui, d’innocence, de culpabilité, de mensonges, de subterfuges, de tours de passe-passe et de dissimulations, comme il s’agit aussi d’amour.

Roger, toute sa vie, n’a aimé que Mathilda, qui a épousé un médecin pendant qu’il était au front. Elle, l’Allemande recueillie par sa famille et que sa mère considérait comme sa propre fille. Elle, l’Allemande, dans cette zone qui a été belge et allemande tour à tour, avant de faire partie de cette Belgique germanophone méconnue où mon amie Eugénie m’a emmenée, là où sur la même route, les nombres pairs sont dans un pays, et les impairs dans l’autre.

Roger, donc, toute sa vie, n’a aimé que Mathilda, qui vient lui annoncer la mort de son mari alors qu’il l’a vu bien vivant la veille puisqu’il l’a ramené chez lui. Un mari qu’elle ne peut qu’avoir tué. Il lui faudra donc devenir complice pour protéger celle qu’il aime. C’est pour lui la seule évidence, la motivation qu’il a attendu toute sa vie pour donner un sens à son quotidien sans surprise de bourgmestre entre une mère omniprésente, le bordel le samedi soir et les tombes du cimetière.

Armel Job, dont j’avais beaucoup aimé Baigneuse nue sur un rocher, se fait une fois de plus conteur dans un contexte où la vérité n’est pas toujours celle qu’on pourrait croire. Il le fait avec justesse en faisant alterner les voix de Roger et de Mathilda, jusqu’au dénouement final, jusqu’à ce que « les fausses innocences » se voient dévoilées.

18 septembre 2009

Une belle écriture n’est pas tout

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Dès les premières lignes de L’éventée (qu’on peut lire ici), j’ai été séduite par l’écriture poétique de Vera Feyder, et j’ai imaginé qu’il ne serait question que de ces jours qui suivent une rupture. Or, tel n’est pas le cas. Interviennent des personnages qui n’ont rien à voir avec celle qui vient de rompre, même si c’est elle qui les croise. Se glissent des bribes du passé qu’on ne comprend guère. Si bien qu’au bout de soixante pages, j’ai décidé d’abandonner, malgré la très belle écriture de Vera Feyder. L’auteure m’avait perdue dans les dédale d’une fresque qui m’éloignait des protagonistes de départ à un point tel que mon intérêt n’y était plus. Dommage.

Mais la vie est trop courte pour aller jusqu’au bout de livres qui cessent de nous interpeller, parce que trop loin du projet annoncé et amorcé.

20 juin 2009

Petites histoires d’Italie et d’ailleurs

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Dominique Costermans, dont je vous ai déjà parlée, signe avec Nous dormirons ensemble un bien joli recueil de nouvelles. Plein de regards. De tendresse. De moments qu’on ne remplace pas. Qu’on ne résume pas non plus. Qui se laissent rire. Tout simplement. Qui nous entraînent souvent en Italie, mais aussi ailleurs.

De petites histoires d’amour. De complicité. Dont voici un extrait :

« Nous nous retrouvons au Musée d’Art Moderne. Nos manteaux se feront l’amour au vestiaire pendant que nous regarderons les toiles. Je sais pourquoi tu aimes Spilliaert : des choses simples et carrées, si belles, fortes et sereines, des bleus profonds, une lumière sombre et chaude. Je sais pourquoi j’aime tes yeux. Tes mains carrées. Ton menton volontaire et pas rasé. La cage d’escalier est inondée de lumière. Nous nous embrassons, il faut que nous nous embrassions. »

Parce que j’ai beaucoup aimé, je n’en dirai pas plus. À vous le plaisir du recueil de Dominique Costermans.

9 juin 2009

Un homme est-il une rose?

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Il s’agit d’abord un échange de courriels entre Michel et Marianne. Un échange hautement érudit entre intellectuels maniant joliment le verbe. Ce qui n’avait rien pour me déplaire. Puis petit glissement en douce. Rappel aux « choses de base ». Les intellos ont aussi un corps et pas juste un cerveau. L’échange devient autre. Une proposition de rencontre se profile. Elle ne se fera pas. L’homme manque décidément de manières malgré ses lectures. Exit la possibilité de rencontre charnelle. Fin de la première partie.

Les mois ont passé. La joute intellectuelle sur fond de séduction n’a plus cours. Jusqu’à ce que le grossier et rustre personnage (lui-même affirme être tel, non, non, ça ne vient pas de moi!) rapplique. Il voudrait bien que la donzelle à la jolie plume et au cerveau alerte (et dont il ne connaît toujours pas les formes) soit présente à titre d’intervenante à un colloque dont il est l’un des organisateurs et qui a pour sujet l’impuissance.

La demoiselle fait son boulot. Tout est on ne peut plus correct entre les deux protagonistes. Chacun connaît presque à la lettre son rôle. Les esprits ont pris toute la place.

Direction Sud. Huit heures de route côte à côte dans la même voiture. Marianne n’avait pas prévu que l’intello qui s’était conduit avec si peu de classe qu’elle avait effacé son nom de son carnet de bal (oups, carnet de couette, il ne faut pas tout confondre) serait le frère jumeau de Richard Gere…

La suite? Non, non, je n’entrerai ni dans les détails torrides, ni dans les anecdotes scabreuses, ni dans les cerveaux tourmentés de Marianne et de Michel. À vous de voir si un un tel roman peut vous choquer.

En ce qui me concerne, je vous dirai que l’écriture incisive et sans fausse pudeur d’Élisa Brune m’a énormément plu.

Un homme est-il une rose? Ça, par contre, je ne le sais toujours pas.

27 mai 2009

Les premiers pas d’Eva Kavian

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Il y a longtemps que je n’avais vu plus laide couverture que celle du premier roman d’Eva Kavian, sur lequel j’ai enfin mis la main. Il ne faut donc pas se laisser arrêter par celle-ci. Après vous, publié en 2000, a déjà un ton, une écriture, même si cette dernière a longuement mûri pour devenir celle de son plus récent roman, Le square des héros.

Après vous, c’est le parcours d’une femme, de ce jour où elle naît fille plutôt que le garçon très attendu jusqu’à aujourd’hui, où celle-ci est mère de quatre filles. Une histoire qui a cela de particulier qu’elle est racontée au « on », un « on » féminin, celui de la narratrice. Un « on » où elle est toute entière avec ses regards, ses gestes, ses réflexions, ses anecdotes, ses sentiments, face à l’amour, essentiellement. Avec tous les maux et les morts que le mot porte en lui. Un « on » avec toutes les ellipses volontaires pour ne pas trop en dire, on comprendra que.

Un roman qui m’avait un peu agacée au début, parce que j’avais du mal à m’accrocher à ce « on », à cette manière de parler de soi à la troisième personne, mais que j’ai aimé. Beaucoup aimé. Pour des moments, des petites phrases. Pour ces instantanés qu’on a envie de retenir. Comme celui-ci : « Le bonheur à l’état pur, c’est un grand rire qui monte du fond de deux corps trop heureux pour y penser. »

25 mai 2009

Un roman épistolaire plein de finesse

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Geneviève, photographe, reçoit un jour une lettre d’Édouard, un de ses admirateurs qui a été interpellé par les personnages de sa dernière exposition. Puis une autre, et encore une autre. Flattée, elle commence par refuser de répondre à cet original à la plume alerte et inventive qui tente de la séduire parce qu’il est tombé amoureux d’elle. Puis elle décide de jouer le jeu. Le jeu de l’échange épistolaire initié par Édouard. Et qui doit rester un jeu, parce que Geneviève, bien qu’attirée par l’infatigable Édouard qui use de tous les sujets pour la tenter, est une femme heureuse en ménage.

Mais Édouard est patient et inventif. Il suscite son imagination et il la motive dans sa démarche photographique. Et d’une certaine manière, elle devient accro à cet échange qui se tisse, à cet univers dans les marges où tout est possible et où rien ne l’est.

Et c’est cet échange de lettres que nous offre la romancière Élisa Brune dont j’avais particulièrement aimé Petite révision du ciel, dont je vous ai parlé ici. Un échange ponctué par la narration de la vie de Geneviève hors des lettres, des réflexions qu’elle se fait comme des conversations avec son inséparable amie de toujours, Daphné.

Un jeu de séduction, sans faux semblant et sans fausse pudeur, quand il s’agit d’Édouard, avec de nombreuses réserves et un frein quand il s’agit de Geneviève. Ce qui donne un roman bien ficelé, sans longueurs, avec des passages qui donnent à réfléchir.

La tentation d’Édouard, c’est un regard sur l’art, sur la beauté, sur l’être humain, sur le quotidien et sur les fantasmes. Un regard tantôt léger, tantôt grave. La tentation d’Édouard prend parfois des allures de roman policier quand il faut trouver des lettres ou se plier à des demandes, lesquelles je tairai pour vous donner envie de lire ce roman.

Jusqu’où iront-ils? Se rencontreront-ils? Je vous laisse découvrir l’univers de Geneviève qu’Édouard veut séduire de mille et une manières. Vous ne vous ennuierez pas une seconde!

12 mai 2009

Eva Kavian à son meilleur

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J’ai dévoré Le square des héros d’Eva Kavian dont je vous ai déjà parlée ici. Dévoré, vous dis-je. Car il s’agit là d’un vrai bonheur de lecture.

Entrons d’abord dans la peau de la narratrice. Elle s’appelle Léa, c’est la fille d’Eva, qui est écrivaine, et qui est l’alter ego d’Eva Kavian. Léa a décidé de devenir une star et comme ce sont les vacances et qu’elle doit développer des compétences, elle a décidé d’écrire son premier roman comme le lui a suggéré sa mère.

« Je lui ai dit que j’avais l’élément déclencheur mais que j’allais peut-être en trouver un autre pour ne pas faire mauvaise impression sur le lecteur, comme j’étais aussi l’auteur. Écrire, c’est mentir vrai. Je ne dois pas croire que j’invente quelque chose parce que je transforme la réalité. Je ne dois pas chercher à échapper à la réalité mais essayer de la traduire avec mon regard qui est particulier puisque je suis unique. »

Tel est le ton de ce petit bijou qui se construit au fur et à mesure grâce aux conseils d’une mère écrivaine, conseils qui ne sont sûrement pas loin de ceux qu’Eva Kavian doit donner lors des ateliers d’écriture qu’elle anime. Un roman tout en finesse, tout en regards. Un roman qui parle de l’écriture, des êtres humains, des familles monoparentales, des rêves, de l’amitié, de l’amour, de la vie et même des préjugés. Une réflexion sur le monde qui nous entoure dans les yeux d’une enfant de 12 ans. Un regard d’une tendresse infinie, cette même tendresse qu’a l’auteure pour elle et dont elle parle dans un entretien qu’on peut écouter ici.

4 mai 2009

Le pari de Dominique Costermans

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Dominique Costermans est écrivaine et photographe. Je vous ai d’ailleurs déjà entretenu de deux de ses livres (ici et puis ). Y a pas photo, que je viens de terminer, est un délicieux petit recueil d’anecdotes autour de la photographie elle-même, de ces photos qu’on réussit, de celles qu’on rate, de celles qu’on ne peut pas prendre pour nombre de raisons qu’elle donne avec humour.

Un recueil absolument savoureux que toutes ces anecdotes autant pour décrire les contraintes de la photographe que ces photos qui sont absentes, mais qui existent dans notre imagination.

« Le pari, lecteur chéri, adorable lecteur, c’est que tu imagines! C’est là tout le beau lien, le jeu subtil et excitant, la merveilleuse passerelle que jettent les mots, entre toi et moi : si je te disais tout, si je décrivais dans le détail, quel plaisir aurais-tu à me lire? Où se déploierait ton imagination? Sans toi, sans ta merveilleuse usine à rêves, à quoi me servirait-il d’écrire? » (pp.77-78)

Pari gagné, je redemande du Dominique Costermans! D’ailleurs, son plus récent recueil de nouvelles m’attend!

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