Les mots sont aussi nécessaires aux gens que le pain. (Alice Parizeau)
*toile de Dod Procter
Honneur
nous tracerons les chemins d’aube
dans la paume des fiancées
disons en chœur honneur
disons en chœur respect
sur les canaies
sur les figuiers
sur les mangroves
sur les herbes guinées
tombe le couperet
tombe l’espoir
La ville est un bateau
elle appartient aux voyageurs
qui ont appris le récitatif du verbe tomber
Rodney Saint-Éloi, Récitatif au pays des ombres
*choix de la lectrice de Pierre Poli
J’aime les maisons remplies de livres. J’étouffe quand ils sont absents de certaines. Je vis dans un appartement où ils constituent l’élément le plus important, où tout le reste gravite autour d’eux. Pas étonnant, donc, que j’aie été séduite par Vivre avec les livres de la décoratrice Leslie Geddes-Brown, qui nous présente des lieux où les livres sont à l’honneur. Des endroits où les livres ont pris tellement de place qu’ils sont devenus des éléments de décoration. Des pièces où s’alignent les livres par collection, par couleur, par format, en piles, du plancher au plafond, sur des tables, dans des recoins, voire même dans des espaces d’ordinaire dévolus à autre chose comme la salle de bain ou la cuisine.
Ce sont toutes ces variantes qu’a choisi de nous présenter l’auteure. Avec autant de passion qu’en ont eue ceux et celles qui ont conçu ces lieux, qui les ont rendu fonctionnels la plupart du temps, mais surtout qui ont fait de ces endroits, vastes pièces ou maisons en entier, l’âme des lieux qu’ils ont choisi d’habiter. Parce que tous ont en commun ceci : ils aiment vivre avec les livres.
Un livre pour tous ceux qui ont besoin de livres autour d’eux.
La gratitude peut transformer votre routine en jours de fête. (William Arthur Ward)
*toile d’Howard Chandler Christy
Le poème s’en souvient
jamais ne meurt l’étoile dans la phrase de Philoctète
où toue île est un vaisseau qui danse entre les océans
il y a toujours une fleur, une femme, une flamme
un feu qui ranime les couleurs des saisons
une chanson dans la détresse des vents
une épopée dans la promesse du beau temps
qui récite aux passants l’ancienne miraculeuse
les soleils sont la preuve des matins
quand les guerriers rallument les étoiles
l’histoire nomme la tendresse des foules
et le poème jamais ne manque
au frisson des arbres déracinés
la phrase même orpheline exige
les colères rouges de la fable
Rodney Saint-Éloi, Récitatif au pays des ombres
*choix de la lectrice de Jane Atché
Le Bairro Alto est-il aussi violent que le laissent supposer les deux nouvelles de Marc Villard réunies sous le nom de ce quartier de Lisbonne dont la renommée n’est plus à faire? Est-il aussi glauque, aussi noir qu’il a choisi de le représenter, accompagné de photos de Cyrille Derouineau, chargées d’apporter de l’ambiance ou de soutenir le texte, mais ne réussissant qu’à moitié? Est-il vraiment à l’image de ceux qu’il a choisis de dessiner, plus magouilleurs qu’anges? Est-il fait de lieux insalubres, de petite misère, de dealers et de clubs de jazz? N’est-il pas aussi sourires?
Le livre fermé, le malaise persiste. Le Bairro Alto est ici tellement noir alors qu’on l’imaginait accueillant. Alors qu’on aurait voulu qu’il le soit et qu’on avait espéré autre chose que des scènes de crime.
Le Bairro Alto est sûrement ailleurs. Dans un autre livre. Il m’attend. On finira bien par se croiser.