Lali

Elle s’est fait son petit coin à elle. Il est peut-être au grenier, au sous-sol ou ailleurs. Mais c’est son coin à elle, celui où elle étale ses livres et regarde les images, car la petite lectrice de Terry Klaaren ne sait pas encore lire. Bien sûr qu’elle aime qu’on lui lise des histoires, même si elle sait d’avance la fin, parce que ce sont souvent les mêmes qu’on lui lit. Bien sûr qu’elle a ses livres préférés. Mais quand elle se retrouve là, dans son petit coin à elle, c’est imaginer ce qui n’est pas écrit qu’elle aime, donner des noms aux animaux des histoires et continuer les aventures trop brèves des princesses et des crapauds.

Peut-être parce qu’il aimait les couleurs et parce qu’il aimait peindre des moments de bonheur, le peintre Pierre Cornu a-t-il vécu centenaire en laissant derrière lui quelques lectrices aux couleurs vives et heureuses…

Dès que je me lève, ça me démange. Il me faut écrire, il me faut raconter des histoires en regardant les teintes du ciel. Il me faut du café et entrer dans ma galerie, sans savoir quelle illustration, quelle toile, quel dessin, quelle sculpture me livrera en partie ses secrets. Les cheveux en bataille, comme ceux de celle, plume à la main et un peu rêveuse peinte par Roderick Brown, je me laisse porter par la douceur du matin. Elle aussi, je crois bien.

Ils ne peuvent pas savoir. Ils sont encore trop petits. Personne ne les a informés. Même pas leur mère. Parce qu’il est fort probable qu’elle ne sache pas qu’elle élève ses canetons sur les bords de l’un des plus beaux lacs d’Europe. Mais qui sait, peut-être que Denise le leur a dit tandis qu’elle les photographiait dimanche matin ? Et peut-être même a-t-elle ajouté qu’ils étaient si mignons qu’elle allait les faire s’envoler – à sa manière – vers le Canada ?

Le peintre Jean-Louis-Ernest Meissonier aimait-il les fenêtres ou la lumière qui entrait dans la pièce pour avoir ainsi installé les différents lecteurs qu’ils a peints près de celles-ci ? Trouvait-il de plus qu’il était davantage agréable de lire debout ou encore une fois, était-ce pour capter la lumière ? Nous sommes en droit de nous poser toutes ces questions, même si nous ne trouvons pas les réponsea, même si nous avons – du moins moi – envie de leur tendre à chacun un fauteuil pour qu’ils puissent s’adonner avec plus de confort au plaisir de tourner les pages.

Combien de lieux depuis l’enfance à lire telle la lectrice de Perrine Van Dearing, au milieu de la pelouse sans se préoccuper de ce qui se passe autour de soi ? Combien de rames de métro à lire debout, de chaises de cafés, de bibliothèques, de salles d’attente ? Combien de chambres d’hôtel, de trajets de trains, de lits et de sofas ? Combien de plages, de parcs, de balcons? Combien de bancs, de bords de fenêtres, de tapis ? Quel chiffre astronomique obtiendrons-nous si nous faisions ce calcul ? Le résultat pourrait être étonnant. Mais les souvenirs de ces lieux sont bien plus agréables que leur somme.

J’étais à mon bureau. Il avait tonné et quelques gouttes d’eau étaient tombées. Le ciel était encore nuageux, mais d’une lumière qui n’avait rien de celle d’un ciel couvert. Et il est apparu. Comme ça. Comme un cadeau.

Elle profite de la douce lumière de cette journée qui s’éteint pour retrouver la balançoire de son enfance, probablement suspendue à l’arbre depuis bien longtemps, depuis ce temps où son père était lui-même un enfant. Et peut-être lit-elle un des livres qu’il a laissés derrière lui dans sa chambre d’adolescent.

La lectrice d’Alex Russell Flint est heureuse d’un bonheur qui ne s’explique pas. Heureuse d’être là, chez ses grands-parents, dans cet univers qui sent bon la confiture de fraises et la tendresse. Dans ce lieu où la vie goûte la limonade de ses six ans. Où elle vit pieds nus la plupart du temps. Où il y a des livres à profusion. Pour tout l’été, au moins.

C’était il y a trois semaines, à Paris. Armando, qui ne se promène jamais sans son appareil, a croqué quelques lecteurs et lectrices. Images de bonheur. Tout simplement.

Il n’est pas d’ici. Mais il aime cette ville plus que tout, Cette ville où il s’installe dans le quartier des librairies d’occasion, où il va de l’une à l’autre à la recherche de trésors. Ceux-ci qu’il va déposer à sa chambre d’hôtel, pas loin.

Il n’est pas d’ici. Mais nulle part ailleurs, le lecteur de George Botich ne vit cette vie qu’il a à Paris. Cette vie de livres anciens et de cafés où il s’installe pour les lire.