Lali

7 juillet 2007

Les mots alignés

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 1:44

netscher

Les mots se sont alignés sans effort. Ils étaient là depuis quelques jours et il jonglait avec eux, ne sachant trop s’il allait les coucher sur papier et les faire parvenir à qui devrait les lire. Et maintenant qu’ils sont là, qu’ils ne lui appartiennent plus, ou si peu, qu’ils riment, l’écrivain de Caspar Netscher hésite. Devrait-il conserver ces vers pour lui seul? Ceux à qui il les destine saisiront-ils dans sa façon d’enrober les choses ce qu’il voudrait bien être en mesure de leur dire? Verront-ils en lui un provocateur ou un messager de paix?

Il prend le risque. Il déclamera ses poèmes à la petite soirée de samedi à laquelle ils assisteront. Et tant pis s’ils ne saisissent rien. Il aura été au bout de lui-même sans faillir.

B comme Bruxelles

Filed under: Mes histoires belges — Lali @ 0:42

map

J’allais la sillonner à pied et me gaver les yeux. Et c’est ce que j’ai fait jour pour jour, il y a deux ans. Bruxelles était au rendez-vous et j’étais sous la charme. Une gaufre à la main, dégoulinante de chocolat et de Chantilly, j’allais au hasard des rues qui mènent toutes à la grand-place. Je m’extasiais devant le nombre faramineux de chocolateries et je chantais Brel. Le ciel avait ce bleu qui n’existe que dans ces lieux où il est souvent gris et je souriais devant le minuscule symbole de la ville que j’aurais pu rater s’il n’y avait eu cet attroupement de Japonais devant à le photographier sous les quelques angles possibles.

À la fin de l’après-midi, alors que j’avais déjà tant marché, Christian est venu me rejoindre après le travail. Et nous avons continué à marcher. Lui me racontait la ville, les coins où je ne m’étais pas aventurée encore. Ce fut une longue marche. Nous avons même croisé le premier ministre, au nom imprononçable pour la Québécoise que je suis, mais il ne m’a pas saluée. Il ne devait pas savoir à quel point j’étais Belge de cœur.

Et bien sûr, il y a eu une bière sur une terrasse, au hasard de ces rues où il me traînait, oui je dis traînait, car je m’arrêtais partout, alors que lui marchait d’un bon pas. Et aussi des moules, je ne sais plus où, sur une terrasse. Il a plu, mais nous avons refusé de rentrer : l’auvent nous protégeait suffisamment. Christian disait qu’il fallait vraiment que j’aime la Belgique pour ne pas râler!

Il a choisi d’autres rues pour la promenade du retour. Je m’extasiais toujours autant. Bruxelles la nuit est si belle et je me sentais déjà un peu chez moi. Des envies d’y vivre un temps me gagnaient, surtout que le hasard qui fait bien les choses nous avait fait croiser le chemin de Passa Porta, la maison internationale des littératures et que je voyais là un signe du destin. Peut-être qu’un jour, qui sait, je ferai cette demande de bourse pour vivre à Bruxelles quelques mois…

Puis, un dernier tour en voiture. Nous avons laissé derrière nous les lumières de Bruxelles. Mes yeux brillaient autant que la ville que nous avons quittée, je crois bien.

6 juillet 2007

Le déménagement

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 23:50

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Il reste encore des caisses partout, celles-ci essentiellement remplies de livres. Au moins une quarantaine. Mais la lectrice de Francis Hoyland fait la pause ce soir. Pas question de laver toute la vaisselle emballée dans du papier journal. Pas question de démêler le contenu des trois boîtes où elle a jeté un peu de tout. Pas question d’ordonner les livres par genre, puis par auteur. Un CD en boucle et un livre lui suffiront. Le déménagement, les préparatifs qui l’ont précédé et la semaine difficile au bureau ont eu raison de sa bonne volonté. Elle va rester là, sur sa chaise inconfortable, parce que les coussins sont dans un des cartons. Elle va rester là, et ne pas accrocher les tableaux posés au sol. Elle va rester là, avec son livre pour tout compagnon. Et quelques notes de Bach interprété par Glenn Gould.

Une envie de jupe rouge

Filed under: États d'âme,Couleurs et textures — Lali @ 23:20

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Curieusement, moi qui aime tant le rouge, moi qui ai un sofa rouge, moi qui ai craqué pour le rouge de la première toile que j’ai achetée il y a vingt ans, moi qui ai deux paires de chaussures rouges, moi qui ai possède parmi mon inventaire de foulards au moins une vingtaine dans les tons de rouge, moi dont le pull préféré est le rouge et pas un autre, moi qui ai même des lunettes rouges, je ne possède pas de jupe rouge, comme celle de la lectrice de Katherine Brown.

Et moi qui ne suis pas une acheteuse de vêtements, qui porte les mêmes des années durant, souvent ceux qui me viennent de ma mère, de ma sœur ou de mon amie Nancy, parce que je préfère aller acheter des livres, des CD ou quelque gâterie pour le palais aux séances de magasinage intensif, j’ai une envie folle de jupe rouge. Probablement venue de ces jolies toiles où une jupe rouge s’étale avec grâce.

Celle qu’il ne peindra jamais

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 15:54

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Et parfois lui reviennent ces morceaux d’elle qu’il a emportés dans un atelier où il ne la peindra probablement jamais. Et parfois remontent ces images d’elle nue, lisant, alors qu’il la regarde et qu’il imagine déjà les couleurs qu’il choisira pour la retenir à tout jamais sur une toile. Et parfois, c’est le souvenir d’une caresse sur son dos, d’un tendre baiser sur son épaule, qui surgit alors qu’elle ne s’y attend pas et qui la fait basculer au pays des traces indélébiles. Celui d’une lectrice qu’un artiste peindrait inlassablement. Celui où celle peinte par J. L. Dean se confond avec elle dans un maëlstrom étourdissant.

Celle qui a bien fait de sortir tôt

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 15:34

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Elle a bien fait de sortir tôt, de marcher au soleil, tandis qu’il était encore là. En effet, le ciel s’est assombri d’un seul coup, comme c’est le cas depuis quelques jours. Comme ça le sera, semble-t-il, pour ceux à venir. Et assise devant la fenêtre où s’écrasent les gouttes de pluie, la lectrice d’Edmund Charles Tarbell n’a pas de regrets à avoir. Elle a profité à plein de la lumière.

Scènes autour de livres et de bols

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 10:40

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Bol à la main, bol qui sert d’appui-livre, bol abandonné parce que la lectrice gagnée par le sommeil, bol dans lequel on mouille un biscuit. De jolies petites scènes de vie dans lesquelles les lectrices de Francine Van Hove se partagent entre lecture et bols de café ou de thé. De jolies petites scènes comme autant de clins d’œil.

Il dort

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 7:03

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Le petit dort, paisible, impassible. Il ne connaît pas encore le plaisir des images et des histoires qu’on en tire. Il ne connaît rien encore de ce regard extasié de sa sœur devant des illustration colorées. Il ne sait pas non plus à quel point elle a hâte de savoir lire pour prendre auprès de lui la place de lectrice occupée par leur mère. Le futur lecteur peint par Cor Bouter ne sait rien de tout cela. Il dort, bercé par les voix feutrées de celles qui veillent sur son sommeil et sur ses rêves.

Installée dans le paysage

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 6:48

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Elle s’est installée dans le paysage, comme d’autres s’asseoient au salon. Sans même remarquer la beauté de ce lieu, parce qu’il est sien. Depuis si longtemps, depuis toujours, depuis les premiers livres. Puis elle a lu, page après page, emportée par cette histoire d’amour dans un décor de rêve. Un décor de vallons, de montagnes et de villages encaissés où le vent s’engouffre. Puis, les yeux de la lectrice de Damon-A. H. Denys ont quitté le livre. Le décor du livre s’est mêlé à celui de son quotidien pour ne plus faire qu’un. Là-bas, au loin, il lui faisait signe de la main, il venait la rejoindre.

Le regard de la lectrice

Filed under: Couleurs et textures — Lali @ 0:13

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Elle avait ce regard de braise qui le faisait fondre et lui enlevait tous ses moyens. Lui, l’homme habituellement sûr de lui, devenait un pâle adolescent, maladroit, devant elle. Fasciné, il balbutiait des mots inintelligibles. Les phrases si bien ordonnées dans son esprit ne faisaient plus sens quand elles daignaient s’échapper de ses lèvres.

Elle levait les sourcils, tentant de saisir ce qu’il voulait lui dire, mais ça ne faisait qu’empirer les choses. Si bien qu’il a fini par se taire et la regarder de loin. Puis de plus en plus loin.

Or, la lectrice de Julio Romero de Torres a sûrement des cheveux blancs aujourd’hui, à moins qu’elle n’ait conservé sa chevelure de jais comme il arrive à certaines femmes sur qui le temps ne semble jamais se poser. Il ne sait pas. Il y a longtemps qu’il a quitté cette ville où il s’attardait à la regarder. Et où qu’il aille, dans tous les visages qu’il a tenus entre ses mains, jamais il n’a trouvé ce regard de la lectrice qui le poursuit toujours.

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