Lali

3 juillet 2015

Un peu de poésie belge 5

Filed under: À livres ouverts,Couleurs et textures — Lali @ 23:59

MATISSE (Henri) - 17

L’oiseau tardif

Un jour les hommes ont été de grands oiseaux
Dont l’ombre glisse encore aux mutismes des eaux.
Ils saluaient en l’air de plus légers plumages
Et les becs étonnés leur cousaient un sillage.
Voler est une aisance analogue au sommeil :
Balançant leur magique indolence des plantes
Ils n’étaient point troublés si leurs rémiges lentes
Heurtaient les jambes invisibles du soleil…
Puis la lenteur, de pouvoir sûr, devint paresse
Et, repris par la terre aux plombs du piège ancien,
Dans la facilité d’un prodige qui cesse
Ils ont tout oublié. Pourtant je me souviens
Qu’aux temps du vol je ne pouvais suivre mes frères
Sinon des yeux, et jalousais en solitaire
Par les longueurs d’été le cirque aérien.
Car j’étais un oiseau de l’espèce tardive,
J’avais manqué le train du ciel! Mais à présent
Je ne comprends pas bien quelle fortune arrive
À mes épaules que je vois s’élargissent…
Tout mon poids d’homme en vibre, et peut-être ces ailes,
De pousser hors saison celles-ci, tiendront-elles?

Robert Vivier
(dans La poésie francophone de Belgique de Werner Lambersy)

*choix de la lectrice signée Henri Matisse

2 juillet 2015

Un peu de poésie belge 4

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MATEJKO (Jan) - 4

Être dite
que la parole me précède
m’évide
se tire de moi
que je m’arc-boute contre elle
souveraine
et que je lui résiste
qu’elle me disperse
que je sois la pulpe des mots
le pouls du langage

m’engager dans la rue
me perdre dans l’irrigation d’un pétale

tout habiter
que soit dit le ténu
le frêle
et qu’au-delà la mer m’emporte

Claire Lejeune
(dans La poésie francophone de Belgique de Werner Lambersy)

*choix de la lectrice de Jan Matejko

1 juillet 2015

Un peu de poésie belge 3

Filed under: À livres ouverts,Couleurs et textures — Lali @ 23:59

LYONS (Phil)

J’aurai vécu, brûlant les âmes et les heures,
victorieux de l’homme, impatient de Dieu,
régnant, déchu, désert, amoureux de mes leurres,
mêlant le songe au mal et la prière au jeu.

Pour taire la douleur et conjurer la peine,
j’assemblais un langage en forme de chanson,
payant, heure après jour et jour après semaine,
mes trésors inventés par de tristes rançons.

Je laisserai sur terre une plus frêle piste
que le vol de l’oiseau qui dans l’air a glissé.
Quelque jour, mon enfant touchera d’un doigt triste
mes livres entr’ouverts et mes missels glacés.

Je fus ce qu’il sera : la ferveur, la tendresse…
Les anges de l’amour sur mes songes régnaient.
Et voici tout à coup. si je veux qu’ils renaissent,
la douceur me mettant mille anneaux au poignet…

Voici l’été. Voici les saisons en allées,
le sable chaud, l’odeur des roses au soleil,
l’aventure attendant au détour de l’allée
tout un bonheur lointain qui ressemble au sommeil.

Charles Bertin
(dans La poésie francophone de Belgique de Werner Lambersy)

*choix de la lectrice de Phil Lyons (dont toute trace a disparu)

30 juin 2015

Un peu de poésie belge 2

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McINNIS (RFM)

Grande lessive

Nos livres déteignent à la clarté de
nos illusions.
Nous ne saurons bientôt plus lire
que la blancheur de nos silences.

Mimy Kinet
(dans La poésie francophone de Belgique de Werner Lambersy)

*choix de la lectrice de RFM McInnis

29 juin 2015

Un peu de poésie belge 1

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Sierra Exif JPEG

Qui déchiffrera le livre?

Qui déchiffrera les signes du livre
Et les signes déposés alentour des choses à ne pas dire

Et des choses à ne pas franchir

Qui?

Le temps qui efface tout
Et efface le Tout?

Ou serait-ce l’ombre du temps?

Ou serait-ce encore l’effacement qui te porte
Et te porte infiniment dans le livre?

Yves Namur
(dans La poésie francophone de Belgique de Werner Lambersy)

*choix de la lectrice d’Erin McGee Farrell

Un roman qui n’est pas un roman

Filed under: À livres ouverts,Pour petites mains — Lali @ 19:37

viperine

Depuis une dizaine d’années, le dramaturge Pascal Brullemans fait régulièrement parler de lui, tant ici qu’à l’étranger, en accumulant prix après prix pour chacune de ses pièces destinées aux adolescents. Vipérine, présentée à la Maison Théâtre cet hiver, ne fait pas exception. Elle a reçu en 2013 le prix Jeune public des Journées des auteurs de Lyon.

L’auteur, n’ayant pas peur des défis, a choisi de passer au roman et a publié en mars dernier La ballade de Vipérine, un roman d’une centaine de pages destiné aux huit ans et plus. Or, si adapter un roman pour en faire une pièce de théâtre n’est pas rare, l’inverse l’est. Et le résultat, dans ce cas-ci, n’est pas des plus heureux.

Le travail d’adaptation a été réduit au minimum et les didascalies ont été transposées telles quelles sans être étoffées, si bien que le résultat n’est qu’un calque de la pièce qui l’a inspiré. De plus, tout ce qui manquait au spectateur de détails sur les personnages et qu’il aurait été en droit d’espérer retrouver ici est absent. Dommage.

Je me suis donc butée aux mêmes questions soulevées par la pièce et me suis aussi retrouvée face à cette impression d’être passée à côté de quelque chose. Est-ce parce que, pour faire face à la réalité, soit le décès de la sœur ainée de Vipérine, il faille passer par des images oniriques et un narrateur qui personnifie la Mort, plutôt qu’affronter ses démons et ses peurs, que je n’ai pas accroché? Fort possible. Et si c’était plutôt la ressemblance avec le roman d’Annabel Pitcher, Ma sœur vit sur la cheminée?

Que ce soit à cause de l’une ou l’autre des raisons, ou même les deux, j’ai eu autant de mal avec le faux roman que la pièce elle-même. Et pourtant, le sujet m’intéressait. Il y a tellement peu de livres qui abordent la mort d’un enfant et encore moins qui s’adressent aux enfants eux-mêmes.

De plus, je suis demeurée quelque peu perplexe quant au surnom de l’héroïne. La vipérine utilisée en pharmacopée pour calmer la toux est parfois une plante envahissante. Or, c’est davantage la défunte que Vipérine qui est envahissante, l’urne renfermant ses cendres trônant au milieu du salon et faisant l’objet d’un culte que Vipérine a décidé de cesser en la jetant dans le fleuve.

Espérons que, lors de la réédition, l’éditeur et l’auteur retravailleront le texte afin d’en faire un vrai roman. Les enfants ne lisent pas de théâtre.

Texte publié dans

28 juin 2015

Les alternances 5

Filed under: À livres ouverts,Couleurs et textures — Lali @ 23:59

KOUSTODIEV (Boris) - 5

Nouvel amour

Comment savoir d’avance
Si ce nouvel amour sera la vague immense
Qui transportera l’âme ivre d’émotion,
Jusqu’où s’annonce, enfin, la révélation,
Ou s’il ira se perdre en fol espoir vivide,
En trépignements dans le vide?

À sa famille de pensées
Une femme nous présenta;
Ravi, nous avons dit, en phrases nuancées,
Vers quel bonheur tendaient nos pas.

Un soir de clair de lune,
Un moment de tendresse et de rêve charnel,
Où le monde paraît simple et presque irréel,
Cette femme devient la grisante fortune
Que notre désir appelait.
Le songe autour de nous danse un pas de ballet.

Tout à coup transparaît en l’aimée une tache
Qui nous hallucine, grandit,
Éclipse ses vertus et cache
Son charme de jadis.

Et parce que la dissemblance
Inéluctable entre les cœurs,
Avança par hasard son jour de délivrance,
Le bel amour nouveau se meurt.

Alphonse Beauregard, Les alternances

*choix de la lectrice de Boris Koustodiev

Un dimanche avec Louis Scutenaire 10

Filed under: À livres ouverts,Couleurs et textures — Lali @ 20:01

STIEBORSKY (Willy Georg)

Les sciences sont des lunettes pour grossir les problèmes.

Louis Scutenaire, Mes inscriptions (1940-1943)

*toile de Georg Willy Stieborky

Un dimanche avec Louis Scutenaire 9

Filed under: À livres ouverts,Couleurs et textures — Lali @ 18:01

STORCH (Sally) - 4

La futilité des gens sérieux vaut le sérieux des gens futiles.

Louis Scutenaire, Mes inscriptions (1940-1943)

*toile de Sally Storch

Un dimanche avec Louis Scutenaire 8

Filed under: À livres ouverts,Couleurs et textures — Lali @ 16:01

SANDERSON (Ruth) - 2

L’infini commence où il finit.

Louis Scutenaire, Mes inscriptions (1940-1943)

*illustration de Ruth Sanderson

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