Lali

26 juin 2019

On ne parle pas de ça

Filed under: À livres ouverts — Lali @ 20:30

On ne parle pas de ça ne ressemble pas aux autres romans d’Eva Kavian. Mais il lui ressemble pourtant. Il a le souffle, le rythme auxquels l’écrivaine belge nous a habitué. Mais il est plus grave, plus tourmenté, tout en restant pudique, même si non avare de certains détails.

On ne parle pas de ça réunit des femmes qui ont en commun le fait d’avoir perdu un enfant, mais qui n’en parlent pas. Des femmes qui se sont trouvées par la force du hasard, parce qu’elles devaient se rencontrer, s’entraider, passer à autre chose et laisser derrière elles ces enfants qui leur avaient été enlevés par accident, par suicide, par maladie.

On ne parle pas de ça ne parle pas juste de la mort, de celle qu’on n’attend pas et avec laquelle il faudra composer à jamais, de celle qui vient de manière imprévisible poser sur soi un regard qu’on ne connaissait pas en raison d’un geste irrémédiable extérieur à soi, de celle qu’on espère sans la souhaiter pour que cesse la souffrance.

On ne parle pas de ça parle de la vie, de celle qui demeure, malgré tout, en raison de ce qui est arrivé, et parce que, peut-être la vie est souvent plus forte que la mort, la tendresse étant en mesure de prendre toute la place quand le chagrin est trop immense pour en parler, voire l’évoquer.

Eva Kavian signe avec ce roman destiné aux jeunes adultes un livre bouleversant, tout en nuances et en silences, en regards et en gestes. Un roman percutant. Un roman dont on ne sort pas intact. Un roman comme il en existe trop peu.

25 juin 2019

La question

Filed under: À livres ouverts,Pour petites mains — Lali @ 20:01

Avec Papa, pourquoi t’as voté Hitler?, Didier Daeninckx pose une question grave et importante, voire nécessaire. Car Hitler ne s’est pas retrouvé à diriger l’Allemagne sans l’appui de la population, laquelle a vu en lui celui qui allait sauver le pays de la crise économique dans laquelle le pays, comme le reste du monde, s’était enlisé. Hitler a été élu démocratiquement et a pu accéder au pouvoir grâce à une alliance parce que son parti ne possédait pas la majorité.

Mais ce qu’il a fait avec le pouvoir en mains n’a rien à voir avec les promesses qu’il avait faites, même si elles en avaient parfois un peu la couleur pour ceux qui espéraient tant un changement à leur situation.

Très rapidement, le narrateur a compris que voter Hitler était une erreur, puisque ses parents, pour la première fois à sa connaissance, ne s’entendaient pas quand il était question du choix du candidat pour cette élection qui serait déterminante pour l’Allemagne et le reste du monde. Et il le comprend encore davantage quand il voit la violence monter, la dictature s’installer, la guerre se déclarer et prendre de l’ampleur.

Où tout cela va-t-il mener Rudy et sa famille? Et qu’adviendra-t-il de sa petite sœur, différente en raison de sa lenteur intellectuelle? Devra-t-elle être exterminée pour cette raison?

Cet album destiné aux 8 à 11 ans, illustré pat Pef avec un regard qui n’appartient qu’à lui, est ponctué de documents historiques afin d’éclairer les jeunes lecteurs, sans que cela n’alourdisse le texte ni ne les éloigne de l’histoire de Rudy. La grande sensibilité de Didier Daeninckx fait le reste.

Un album remarquable qui devrait être dans toutes les bibliothèques scolaires. Pour comprendre, pour que ne s’effacent pas les traces de l’Histoire, et pour que plus jamais cela n’arrive.

7 juin 2019

Au pays des poupées et des magiciens

Filed under: À livres ouverts,Pour petites mains — Lali @ 19:36

Je ne suis pas familière avec la littérature jeunesse qui tourne autour de la magie, mais j’ai été attirée par ce premier roman de R.M. Romero où il en est question pour la seule et bonne raison qu’il se déroule à Cracovie en 1939 et dans les années qui suivent.

Celui qu’on nomme le Fabricant de poupées est aussi magicien, mais cela est un secret qu’il ne partage avec personne, jusqu’à ce que Karolina soit propulsée du Pays des Poupées à son monde à lui, grâce à ses talents, la rendant capable de parler et de dire tout ce qu’elle pense.

Ce sont donc deux histoires qui se mènent en parallèle, à savoir celle de la guerre au Pays des Poupées, lequel a été envahi par des rats qui ont détruit sur leur passage et forcé ses habitants à fuir, du moins ceux qui ont échappé au massacre, soldats de bois comme poupées, animaux en peluche et autres jouets, et celle de Cracovie, envahie par les Allemands.

Il est donc question de guerre, d’amitié – celle qui unit le Fabricant et la poupée, mais aussi celle entre eux et un violoniste juif et sa fille –, et de comment on fait de son mieux pour résister alors que tout est contre soi. Et ce, même si on a des talents de magicien.

Vous aurez compris que le tragique l’emporte souvent et qu’il y a bien des larmes au fil des pages et des histoires qui se déploient. Car nul ne sortira intact de cette histoire. Certains y laisseront même leur peau.

Or, j’ai été agréablement surprise de me laisser prendre au jeu, et de croire que les magiciens et les sorciers devaient sûrement exister. Car R.M. Romero est une véritable conteuse.

Mais je ne pense pas que les jeunes de 10 ans sont en mesure de lire un tel roman fantastique, tant en raison de sa longueur que du sujet, malgré ce qu’affirme son éditeur; 13 ans me semblerait plus juste en raison du travail de recherche que cela demande.

4 juin 2019

Eleanor Oliphant

Filed under: À livres ouverts — Lali @ 20:50

C’est Christabel, une Australienne avec qui j’ai échangé quelques cartes postales, qui m’a suggéré de lire Eleanor Oliphant va très bien, un roman qu’elle venait de terminer et qu’elle avait énormément apprécié.

J’ai donc suivi son conseil et me suis plongée dans les aventures de cette Eleanor, qui ne connait rien à la vie sociale et qui n’a jamais eu d’amis jusqu’ici, alors qu’elle a près de trente ans. Et pour cause. Elle a vécu de famille d’accueil en famille d’accueil toute sa vie à la suite d’un incendie, ayant pour compagnons les livres et la vodka.

Et si elle ne s’était pas éprise d’un chanteur vu sur scène, qu’elle croit être l’amour de sa vie et le futur père de ses enfants, Eleanor n’aurait rien changé à sa vie, à ses habitudes de ne jamais mettre de gants blancs, à sa façon de se suffire amplement à elle-même et de se comporter comme un ours mal léché. Mais elle est tombée amoureuse d’un chanteur, ce qui l’oblige à mille ruses et à des changements pour séduire l’objet de son obsession.Cela signifie une transformation physique, d’une nouvelle coiffure à des chaussures à la mode, en passant par bien des essais de tous les styles, dont certains vous feront rire aux larmes, et des tentatives pas toujours habiles de se lier avec les membres de son entourage ou ceux qui croisent incidemment sa route.

Eleanor Oliphant est une anti-héroïne. Parfois même désagréable, tant elle semble dépourvue du strict minimum de savoir-vivre et d’éducation, malgré sa grande érudition à force de lire tous les livres qui lui tombent sous la main. Mais elle finit par être attachante avec ses maladresses et ses déboires.

L’Écossaise Gail Honeyman aurait-elle pu se douter que son premier roman, qui nous mène de surprise en surprise, et du rire aux larmes, connaitrait un succès international et qu’il serait traduit afin d’être diffusé dans 27 pays? Je ne le pense pas.

Ce dont je suis certaine, par contre, est que quiconque plongera dans les aventures d’Eleanor Oliphant, qui comptent près de 400 pages, ne s’ennuiera pas une seule minute!

3 juin 2019

Comment lire un livre?

Filed under: À livres ouverts,Pour petites mains — Lali @ 19:53

Ce que je me suis amusée à tourner ce livre dans tous les sens! Et je suis certaine que je ne serai pas la seule à autant me divertir, car ce livre plaira beaucoup aux petits comme aux grands, qui risquent de servir de tourneurs de pages, le livre étant un peu grand pour de petites mains.

Il s’agit ici d’un album ludique avant tout où l’on apprend à manipuler un livre. On le tourne vers la gauche, ou deux fois vers la droite, et on recommence. Les personnages ont la tête à l’envers, la mer se déverse comme si c’était de la pluie, et tous se retrouvent sans dessus dessous. Jusqu’à ce que les choses reprennent finalement leur place! Heureusement pour tous, personnages comme lecteurs, car cela pourrait devenir étourdissant!

Comment lire un livre? est un album amusant et sans prétention, auquel s’ajoute un autre jeu que je vous laisse découvrir. Du plaisir pour toute la famille vous attend au détour de chacune des pages joliment illustrées par Maurizio A.C. Quarello, qui ponctuent le texte de Daniel Fehr, instigateur de la Journée suisse de la lecture à voix haute.

28 mai 2019

Comme un miroir 12

Filed under: À livres ouverts,Couleurs et textures — Lali @ 23:59
tu as dit :
quand de loin
je vois que tu es là
le cœur
me bat
comme un papillon

cela est pour moi
un poème

et je m'incline
accablée
je ne sais pas
si c'est à cause du miracle
du langage
ou du miracle de l'amour


Laura Cerrato, Comme un miroir qui s'attarde

*choix de la lectrice de Philippe Schulte

Qui rassurera Truffe?

Filed under: À livres ouverts,Pour petites mains — Lali @ 20:06

Quel univers que celui de Tove Jansson, créatrice des Moumines, qui font la joie des enfants depuis plus de sept décennies, et celle des cartophiles du monde entier!

Et quel bel album que Qui rassurera Truffe?, lequel raconte combien Truffe, un jeune troll, a tellement peur de tout, et surtout de la nuit. Peut-être même, peur de se faire des amis. Ce qui ne l’empêchera nullement de partir, de quitter sa maison isolée, afin de changer de vie et de cesser, éventuellement, d’avoir peur du noir, entre autres choses.

Or, chaque fois qu’il croise une personne ou un groupe, l’un comme l’autre, toujours bien plus heureux que lui, alors qu’il est constamment inquiet de ce qui pourrait bien lui arriver, la même question surgit : « Qui rassurera Truffe? » Car ce dernier ne sait pas se mêler aux autres, et n’essaie pas de faire connaissance avec ceux qu’ils croisent. Il a bien trop peur de tout, et de ne pas savoir s’y prendre…

C’est peut-être que son destin est ailleurs… Une bouteille avec un message l’attend en effet alors qu’il n’espérait plus rien. Et quel message!

Non, je n’en dirai pas plus. Qui rassurera Truffe? ravira quiconque y plongera. Je vous l’assure. Sans aucune hésitation, de plus. Car, qu’on ait 8 ans ou 80 ans, on a tous besoin d’un voyage au pays des trolls, surtout ceux de Tove Jansson, qui signe aussi les illustrations de cet album, paru pour la première fois en français en 2016, soit cinquante-six ans après sa publication en finnois. Il était plus que temps.

27 mai 2019

Comme un miroir 11

Filed under: À livres ouverts,Couleurs et textures — Lali @ 23:59
je dis ton nom
mais personne ne répond

je rêve ton nom
mais le rêve reste innomé

je murmure ton nom
et un autre murmure me répond
mais je ne comprends pas
ce qu'il dit

alors je me tais et j'écoute :
les murmures eux aussi sont tombés amoureux


Laura Cerrato, Comme un miroir qui s'attarde

*choix de la lectrice de Domenico Petrillo

Madame Nou

Filed under: À livres ouverts,Pour petites mains — Lali @ 19:59

On ne vend rien dans la boutique de Madame Nou. On ne s’y rend pas non plus pour acheter quelques chose. Mais ce qu’on trouve dans la boutique de Madame Nou est essentiel.

Ceux qui y entrent le savent bien. Câlins, sourires, tous ces petits riens qui apportent du bonheur, du réconfort, de la douceur, de l’espoir font qu’ils passent jour après jour chez Madame Nou.

Mais quand viendra le tour de la petite fille de Madame Nou qui, autant que les autres, et peut-être même davantage, a besoin d’un câlin?

C’est ce que raconte ce très bel album signé Jo Witek, illustré par Nathalie Choux. À offrir. À s’offrir. À lire. À relire.

Vous ne vous en lasserez pas, peu importe votre âge.

26 mai 2019

Comme un miroir 10

Filed under: À livres ouverts,Couleurs et textures — Lali @ 23:59
j'écris la parole
que tu as prononcée
en rêve

les tracés des lettres
estompent une voix
sur le papier

je touche cette voix de mes doigts
je défais et refais
les tracés des lettres

maintenant tu dors en silence
avec un vide d'images
entre les lèvres

maintenant ton rêve est le mien


Laura Cerrato, Comme un miroir qui s'attarde

*choix de la lectrice signée Hans Jüchser

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