Un roman sans prétention
Fabrice Amchin, auteur de pastiches en prose et en vers, signe avec Barcarolle un roman intimiste et impressionniste où la musique prend moins de place que son titre aurait pu le laisser entendre, la barcarolle étant le nom donné au chant des gondoliers, mais dont on comprendra la portée à la toute fin.
Dans un mouvement de balancier, qui ressemble à celui des barques, le narrateur se livre, à petites touches, entremêlant souvenirs anciens et récents, tentant de faire une sorte de bilan de sa vie à l’heure des choix. Cela donne un roman qui n’a rien de chronologique, mais dont les épisodes relatés s’emboîtent avec efficacité les uns dans les autres, pour un patchwork assez réussi.
À coups d’incursions dans les différentes périodes de sa vie, de moments jugés importants sur le coup ou qui prennent de l’ampleur à leur relecture des années après, le narrateur, professeur de musique et compositeur, nous invite à le suivre dans son voyage à rebours.
Nous y croisons un père qui a quelque chose de certains personnages de Modiano qui ne se fixent jamais et vont d’hôtel en hôtel. Nous y faisons connaissance avec un groupe de plus ou moins vrais intellectuels qui ont une opinion sur tout ainsi qu’une jeune femme qui rêve de devenir chanteuse et dont le narrateur s’éprend.
Au fil des scènes évoquées, dans une atmosphère qui évoque le Paris d’un autre temps, même si jamais Fabrice Amchin ne nous donne d’indices sur l’époque où se déroule Barcarolle, nous apprenons (presque) tout de ce compositeur de musique contemporaine, sorte de déraciné cherchant à s’enraciner, chose que n’a jamais été en mesure de faire son père qui vient de mourir.
Grâce à la musique, à l’amour, au cercle d’amis (ou plutôt de connaissances) auquel il est fidèle, il parviendra peut-être à réussir là où son père, fantasque et mythomane, n’a pas su se faire une place par manque de cohérence, de stabilité, ou simplement de volonté. Du moins s’y applique-t-il à l’heure où les valises que son père a éparpillées chez les uns et chez les autres lui arrivent, révélant une vie autant insoupçonnée que toujours pressentie, qu’il lui faudra démêler pour la laisser jamais derrière lui.
Barcarolle est un roman tout en finesse et ne prétend pas être autre chose qu’une sorte de musique sur les flots presque tranquilles sur lesquels le narrateur se laisse porter, du moins le temps de composer la pièce musicale la plus importante de sa vie parce que basée sur sa propre vie, ses temps, ses silences.

