Un peu de poésie belge 3
J’aurai vécu, brûlant les âmes et les heures,
victorieux de l’homme, impatient de Dieu,
régnant, déchu, désert, amoureux de mes leurres,
mêlant le songe au mal et la prière au jeu.
Pour taire la douleur et conjurer la peine,
j’assemblais un langage en forme de chanson,
payant, heure après jour et jour après semaine,
mes trésors inventés par de tristes rançons.
Je laisserai sur terre une plus frêle piste
que le vol de l’oiseau qui dans l’air a glissé.
Quelque jour, mon enfant touchera d’un doigt triste
mes livres entr’ouverts et mes missels glacés.
Je fus ce qu’il sera : la ferveur, la tendresse…
Les anges de l’amour sur mes songes régnaient.
Et voici tout à coup. si je veux qu’ils renaissent,
la douceur me mettant mille anneaux au poignet…
Voici l’été. Voici les saisons en allées,
le sable chaud, l’odeur des roses au soleil,
l’aventure attendant au détour de l’allée
tout un bonheur lointain qui ressemble au sommeil.
Charles Bertin
(dans La poésie francophone de Belgique de Werner Lambersy)
*choix de la lectrice de Phil Lyons (dont toute trace a disparu)