Piqué des vers 25
Il ne voit que par elle
Je me mélange à toi si fort que je ne sais
Comment me retrouver, comment me dégager
De cet être nouveau que nous sommes à deux.
Je ne distingue plus ce qui t’appartenait
De ce que j’apportai, ni de ce qui te ressemble
De ce que j’inventai. Je te vole mes mots,
Mais toi tu tisseras du fil de mes idées.
Le songe que j’emprunte est né de ton sommeil;
Tu parles par ma bouche et je vois par tes yeux.
Ta mémoire s’étend aux yeux de mon enfance;
J’ai des amis perdus qui ne m’ont pas connu;
Je sais des lieux secrets que toi seule a hantés.
Tu me fais déterrer des choses enfouies;
Je cours en liberté dans tes jardins reclus.
Tu prévois mes erreurs et je connais tes chances.
Hors d’ici, hors de nous, je ne sais plus que moi.
Jean Mogin
(dans Piqué des vers! de Colette Nys-Mazure et Christian Libens)
*choix de la lectrice de Joel Caillaud