Les mots qui font rêver
Il y a des mots dont la simple évocation donne à rêver. Des mots tout simples, voire même banals, ceux-là même qui s’inscrivent au fil du récit, des pages qu’on dévore en toute insouciance et qui, quand ils s’immiscent, nous laissent songeurs. Comme si le simple mot avait le pouvoir de déclencher à lui seul la machine à rêver.
La lectrice de Karl Raupp sait bien tout cela. Elle qui se laisse distraire par des mots comme Venise ou Vienne. Elle qui se laisse emporter par ces mots qu’elle prononce tendrement, comme si elle les caressait. Elle qui, ce matin, au jardin, se transporte place Saint-Marc pour mieux rêver.

« Le nom de Parme, une des villes où je désirais le plus aller depuis que j’avais lu La Chartreuse, m’apparaissant compact, lisse, mauve et doux, si on me parlait d’une maison quelconque de Parme dans laquelle je serais reçu, on me causait le plaisir de penser que j’habiterais une demeure lisse, compacte, mauve et douce, qui n’avait de rapport avec les demeures d’aucune ville d’Italie, puisque je l’imaginais seulement à l’aide de cette syllabe lourde du nom de Parme, où ne circule aucun air, et de tout ce que je lui avais fait absorber de douceur stendhalienne et du reflet des violettes. »
Proust Du côté de chez Swann (Noms de pays)
Il faut lire ou relire « Noms de pays » : un joyau pour les amoureux des mots.
Commentaire by Reine — 3 octobre 2007 @ 16:30