Les chats du dimanche 4
Le sphinx
Ô mon beau chat frileux, quand l’automne morose
Faisait glapir plus fort les mômes dans les cours,
Combien passâmes-nous de ces spleeniques jours
À rêver face à face en ma chambre bien close.
Lissant ton poil soyeux de ta langue âpre et rose
Trop grave pour les jeux d’autrefois et les tours,
Lentement tu venais de ton pas de velours
Devant moi t’allonger en quelque noble pose.
Et je songeais, perdu dans tes prunelles d’or
– Il ne soupçonne rien, non, du globe stupide
Qui l’emporte avec moi tout au travers du Vide,
Rien des Astres lointains, des Dieux ni de la mort?
Pourtant!… quels yeux profonds!… il m’intimide
Saurait-il donc le mo ? – Non, c’est le Sphinx encore.
Jules Laforgue, dans Le chat en 60 poèmes d’Albine Novarino-Pothier
*toile de Lori Pensini